Lost in transition, ou comment interroger les liens entre les territoires ?


À cette occasion, nous sommes allés rencontrer Karine Hurel de la Fédération nationale des agences d’urbanisme, Tanguy Le Goff et Muriel Adam de l’Institut Paris Région, pour en savoir plus sur l’ambition et le programme de cette 40ème Rencontre des agences d’urbanisme.

Quelles sont les raisons qui vous ont amené, pour cette 40ème Rencontre des agences d’urbanisme intitulées “Lost in transition – relier les territoires”, à interroger les liens entre les différents territoires qui composent nos espaces de vie ?

Tanguy Le Goff (Institut Paris Région)”Pour cette 40ème Rencontre, nous avons placé le thème de la transition au cœur de notre projet. Pourquoi ? Parce que nous sommes dans une période de transition qui ébranle et désoriente les individus et rend plus saillante les déséquilibre territoriaux. La crise sociale de ces derniers mois révèle bien cette forme de confrontation entre certains espaces de vie, peu à peu s’est créé dans l’espace public un récit d’affrontement entre des territoires gagnants, à savoir les grandes villes ou les métropoles, et des territoires perdants, les villes petites et moyennes, les villages que d’aucuns qualifient de périphériques.
Nous souhaitons donc dépasser cette confrontation un peu caricaturale et nous poser réellement la question de ce qu’il se joue actuellement dans nos sociétés. C’est d’ailleurs l’objet de la conférence inaugurale de la plénière d’ouverture de François Dubet, grand sociologue français, destinée à nous faire mieux comprendre pourquoi les individus sont désorientés aujourd’hui, pourquoi se développe un sentiment d’injustice, de relégation, qui s’exprime parfois avec violence sous forme d’une colère sociale.

Pour rompre avec ce récit d’opposition entre territoires, il nous a semblé important de porter un autre regard sur ces territoires en s’intéressant aux liens d’interdépendance voire de dépendance qui les unissent bien qu’ils soient parfois peu visibles. Dans beaucoup de domaines, l’eau, l’alimentation, les déchets du BTP, les métropoles ont besoin de leurs territoires avoisinants, qu’ils soient périurbains ou ruraux. Sans eux, elles sont vulnérables. Cette fragilité, cette nécessité pour les métropoles de faire avec leur « hinterland » est un élément essentiel que nous souhaitons mettre en lumière aujourd’hui, pour que demain nous puissions dépasser cette opposition caricaturale entre territoires gagnants et territoires perdants.”

Comment ces questionnements autour des liens entre les territoires vous ont guidés pour construire le programme de ces rencontres ?

Tanguy Le Goff (Institut Paris région) : “Cette problématique nous a amené à construire l’ensemble de ces trois journées, avec l’idée que pour bien mettre en évidence les liens existants entre ces différents territoires, il fallait se rendre sur place, les arpenter. Voilà pourquoi nous avons organisé 12 ateliers qui se tiendront dans toute l’Île-de-France afin de pouvoir la sillonner, et découvrir ses espaces aussi bien ruraux, périurbains que ceux du coeur d’agglomération. C’est à travers la diversité des thèmes des ateliers – le métabolisme urbain, les transports en commun, la gestion des risques inondations – que nous allons pouvoir saisir ces fils invisibles qui relient l’ensemble de ces territoires qui forment ainsi un éco-système régional. L’eau est un exemple particulièrement éclairant de ces liens d’interdépendance, de ces liens écologiques qui nous gouvernent, et de la nécessité de gérer cet enjeu à une très grande échelle.”

Muriel Adam (Institut Paris région) : “Les ateliers-visites sont organisés en deux temps : le matin nous irons sur le terrain, avec plusieurs modes de découverte : à pied, à vélo, en bus, avec à chaque fois des points d’arrêts sur des lieux emblématiques de la région île-de-France. L’après-midi, nous faisons appel à des expériences autant internationales, que nationales ou franciliennes, puisque ces ateliers sont construits avec l’ensemble des agences du réseau de la FNAU, avec des experts et des chercheurs. Une restitution générale de ces 12 ateliers, sous une forme originale qui mêlera reportages, road-movie à travers la Seine et Marne et entretiens, est prévue, lors de la journée de clôture du vendredi.”

Tanguy Le Goff (Instiitut Paris région) : « Lors cette plénière de clôture, il sera aussi question des outils d’actions publiques, des expérimentations en matière de coopération entre territoires, qui peuvent être menées en France, en Belgique, en Espagne, ou encore dans la grande Région de New-York. L’objectif de cette dernière journée est de passer du lost in transition au live in transition, en donnant aux territoires et aux individus des balises, des repères pour se repérer dans la transition, pour dégager des pistes d’action pour le futur. ”

Un mot pour conclure ?

Karine Hurel ( FNAU) : “Nous attendons avec hâte de célébrer les 40 ans de ces rencontres qui seront suivies l’année prochaine des 40 ans de la FNAU. Nous invitons donc chacun à nous rejoindre pour faire de ces rencontres un temps fort d’échanges, et pour faire émerger l’intelligence collective des territoires de demain.”

La 40ème rencontre des agences d’urbanisme se déroulera les 6, 7 et 8 novembre prochain en Île-de-France. Chaque année, ces rencontres sont l’occasion pour l’ensemble des professionnels de l’urbain (élus, aménageurs, urbanistes, architectes, chercheurs) et pour tous ceux qui le souhaitent, de s’interroger collectivement sur le devenir des villes et des territoires. N’hésitez donc pas à consulter l’ensemble du programme de l’événement, qui s’annonce riche en réflexion !