Vous avez en visuel la poubelle bagatelle de Paris ? Celle qu’avait dessinée l’architecte et designer Jean-Michel Wilmotte au début des années 2010, celle qui jonche les trottoirs parisiens depuis 2013 avec ses 21 877 exemplaires, ou encore celle aux formes arrondies et affinées avec ses fines et longues lignes. Si c’est le cas (petit indice, remontez un peu plus haut la page), mémorisez-là puisqu’elle va progressivement disparaître pour laisser place au modèle cybel, déployé depuis 2019. Choisie à l’époque parce qu’elle était quatre fois moins onéreuse que les autres modèles, la bagatelle ne convient plus aujourd’hui : elle est régulièrement abîmée et tordue, et n’est à l’abri ni des corneilles ni des rats. 

Mais les poubelles ne sont pas les seules à muter, elles marquent une étape dans le processus plus large de renouvellement du mobilier urbain de Paris. Après avoir criblé sous les milliers de critiques du mouvement #SaccageParis, l’ensemble de la ville se construit actuellement une nouvelle “grammaire urbaine” pour répondre à la fois à des enjeux d’esthétisme et d’usage. Nous dirons donc au revoir à une vingtaine d’objets habituels des rues parisiennes comme les fontaines mobiles en inox du type Totem, les jardinières en bois les plus simples, les immenses pots de fleurs rotomoulés, les sanisettes Decaux, ou encore les kiosques à journaux en verre et inox dessinés par  André Schuch. Le mois dernier, le premier adjoint à la maire de Paris, Emmanuel Grégoire, présentait la “bible de l’intervention” : un inventaire précis des 1,3 million d’objets dispersés dans l’espace public parisien, des plaques de rue jusqu’aux fontaines Wallace, en passant par les boîtes de bouquinistes, les candélabres ou encore les brumisateurs.

Divisé en quatre tomes et à destination des agents et des prestataires, le “Manifeste pour la beauté de Paris” est un référentiel d’aménagements qui fixe des règles communes et qui clarifient aussi “qui est propriétaire, qui s’en occupe et qui entretient”. Un exercice difficile qui a demandé de jongler entre fidélité au patrimoine hérité du Second Empire, prise en compte des usages actuels et réels des équipements, limitation des coûts, et facilitation du travail des agents municipaux, tout en gardant en tête les sérieux enjeux environnementaux.

A ce titre, une question se pose sur les toits en zinc, une des signatures de Paris. Leur inscription au patrimoine mondial de l’Unesco a été envisagée alors qu’ils sont considérablement inadaptés aux fortes chaleurs et aux nuits tropicales qui s’annoncent de plus en plus fréquentes. Certains experts jugent préférable de les remplacer par des tuiles ou de l’ardoise mais l’avis n’est toujours pas tranché. Et vous, qu’en pensez-vous ? Peut-on modifier ce qui fait patrimoine en ville pour améliorer nos conditions de vie ? 

Photo de couverture : la poubelle Bagatelle ©Nathan Rémond