La vague actuelle de froid nous pousse à nous questionner sur la manière d’aménager nos villes. En effet, nos pratiques urbaines changent en fonction des saisons. L’été est propice aux pique-niques, aux apéros en terrasse ou aux promenades en vélo. En hiver, on préfère se mettre au chaud, aller manger chez des amis, prendre sa voiture ou le métro. Quand le froid arrive, on passe généralement plus de temps chez soi.

Dans les villes nord-américaines, comme Montréal, le climat c’est au moins 60 jours d’enneigement par an. Face à cette réalité, les aménageurs tentent de revaloriser l’espace public pour une ville hivernale active. Comment faire en sorte qu’il fasse aussi chaud dehors que dedans en hiver tout en respectant des principes environnementaux ? Comment inciter les individus à vivre l’espace public de manière aussi importante quelque soit la saison ?

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Nordicité : créer une ville parallèle, hors du froid

Pour revitaliser la vie urbaine en hiver, Montréal avait mis en place une ville souterraine dans les années 60. Sur 33 kilomètres, les bâtiments sont reliés, permettant ainsi aux piétons de ne pas mettre le nez dehors. Si les passages sont empruntés par 183 millions de personnes chaque année, ils n’apportent aucune solution dans la dynamisation de la vie extérieure. En effet, ces couloirs abritent du froid, mais tuent l’espace public en créant des espaces vides en surface et des zones de transit en souterrain.

Pour le moment, seuls les contenus événementiels ont permis à Montréal de remettre de la vie dans l’espace public. Pourtant, cette dimension reste ponctuelle. Le débat émerge dans des villes comme Montréal, et pose une dimension de l’urbanisme encore fort isolée. L’urbanisme doit-il être saisonnier ? Devons-nous adapter l’aménagement des villes en fonction des saisons, ou tout simplement accepter que les villes aient leurs temporalités, qui induisent une occupation plus ou moins importante de l’espace public en fonction des températures. Devons-nous nous résigner à renoncer à la pratique de la ville en période hivernal ? Ou alors est-il possible de créer un urbanisme hivernal actif ?

Nordicité : Un concours d’idées pour réimplanter la vie extérieure en hiver

La question de l’urbanisation des villes hivernales émerge et fait son chemin. Pour récolter et optimiser l’ensemble des bonnes idées qui permettraient de recréer un espace public d’hiver, En 2013, l’Association du design urbain du Québec, en collaboration avec Vivre en Ville et le Bureau du design de la Ville de Montréal, lance le concours d’idées « Nordicité ».

« Ce concours d’idées invite à la création d’installations urbaines ou d’un design d’espace public qui devront proposer une expérience particulière et spécifique à la période hivernale. Créatives, intelligentes, originales, participatives, les interventions devront chercher à favoriser la déambulation et à dynamiser les espaces publics extérieurs du quotidien afin de favoriser leur fréquentation. »

En mars dernier, Habiter le Nord Québécois lançait un projet similaire avec des étudiants, également appelé « Nordicité« .

Quelles idées pour dynamiser la ville hivernale ?

De ces concours sont sorties plusieurs idées. Les débats autour de la désignation du lauréat se concentraient sur la faisabilité des projets. C’est au final le projet de Jean-Daniel Mercier et Alexandre Guilbeault, appelé Backgammon, qui a été retenu. Ce qui a séduit, c’est l’adaptabilité du mobilier, qui peut aussi bien être pratiqué l’hiver que l’été. Le projet consiste a adapter les piscines à l’hiver et les vidant. La piscine en été crée un microclimat rafraîchissant et elle présente le potentiel de générer un microclimat protecteur en hiver, une fois vidée de son eau. En effet, les parois forment un refuge abrité du vent, tout en définissant un espace suffisamment restreint pour favoriser une forte concentration humaine dans un espace devenu emblématique.

Dans cette optique d’adaptabilité saisonnière, des structures ont actuellement été mises en place dans l’espace public. Nous en parlions il y a quelques semaines dans un article, « Du mobilier urbain interactif installé dans les rues de Montréal« . Les artistes Olivier Girouard et Jonathan Villeneuve ont installé des roues lumineuses, interactives et chauffées dans l’espace public. Un projet qui a fait remonter à la surface les montréalais.

L’urbanisme hivernal, s’il n’est pas encore pensé dans nos sociétés, doit-il être inclut dans notre définition de la ville de demain ? Devons-nous affirmer qu’une ville durable qui favorise le développement d’une vie locale, c’est aussi une ville qui s’adapte aux saisons ?

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