Depuis le 1er janvier 2024, une nouvelle législation est venue bousculer les habitudes : désormais, tous les acteurs de la chaîne, producteurs et détenteurs de biodéchets, doivent les trier à la source. L’objectif ? Valoriser ces résidus en les transformant en compost ou biogaz, évitant ainsi plus de 800 000 tonnes de gaz à effet de serre générées par leur incinération et/ou enfouissement, selon la Direction de l’Information Légale et Administrative. Au-delà de cette exigence légale, se pose une question cruciale : comment cette mesure va-t-elle influencer la logistique des villes et quels ajustements sont faits pour s’adapter à cette nouvelle donne environnementale ? En effet, cette transition vers un tri systématique des biodéchets n’est pas seulement une réponse aux impératifs écologiques, mais également une opportunité de repenser la manière dont les villes gèrent leurs déchets et interagissent avec leur environnement. Face à ce défi, les collectivités se voient contraintes d’explorer de nouvelles avenues logistiques, et de développer des infrastructures adaptées pour collecter, traiter et valoriser ces biodéchets de manière efficace et durable.

Cette transition suscite également des questionnements sur les implications sociales et communautaires. Le compostage des biodéchets, en favorisant une gestion plus locale et participative des déchets, pourrait-il également encourager un renforcement du lien social au sein des villes ? Cette réflexion souligne l’importance non seulement des aspects techniques de la gestion des déchets, mais aussi de leur dimension humaine et sociale.

Une logistique urbaine complexifiée ?

“Les biodéchets sont constitués de 60 % d’eau environ. Les brûler dans les incinérateurs est un non-sens écologique et les enfouir nécessite des adaptations techniques coûteuses pour éviter des problèmes d’émissions de GES (méthane notamment) et de pollutions des sols”, souligne l’Ademe. Face à cette réalité, le gouvernement a pris une position claire en généralisant le tri des biodéchets, conformément au droit européen et à la loi anti-gaspillage de 2020. Cependant, cette législation laisse aux collectivités une marge de manœuvre quant à l’organisation qui leur convient le mieux : collecte en porte en porte ou en point d’apport volontaire, mise en place de composteurs de quartiers ou en pied d’immeuble, proposition de composteurs individuels pour les usagers qui le souhaitent. Les entreprises sont également concernées par cette exigence. Jusqu’à présent, seules celles produisant plus de cinq tonnes de biodéchets par an étaient soumises à cette obligation de tri.

Sur le territoire de la métropole de Lyon, l’initiative de tri des biodéchets prend forme de manière concrète et accessible. Tout comme on dépose ses bouteilles et bocaux à la benne à verre, les habitants peuvent désormais jeter leurs biodéchets à la borne à compost collective. Ces bornes ont été installées à titre expérimental fin 2021 dans les rues du 7ème arrondissement de Lyon. Avec plus de 300 composteurs disséminés à travers la ville, chaque habitant se trouve désormais à moins de 150 mètres d’une borne. Elles sont vidées de leur contenu entre deux et quatre fois par semaine, selon les secteurs, avant d’être acheminées vers une plateforme de compostage industriel.

À Orléans Métropole, la logistique des biodéchets se décarbone grâce à l’intervention de l’association Les Cycloposteurs. Ces cyclistes parcourant les rues pavées du centre ancien deux fois par semaine utilisent des vélos-cargo pour transporter et vider les bacs de biodéchets de leur contenu. En effet, les plateformes de compostage urbaines étant souvent situées en périphérie des villes, cette initiative permet de limiter l’empreinte carbone en évitant le recours aux camions et à leurs émissions de CO₂. Cette tendance à privilégier les déplacements à vélo pour la collecte des biodéchets se répand dans de nombreuses villes, à l’image des Alchimistes Pays de la Loire à Nantes, qui assurent cette démarche notamment pour les restaurants. Si le compostage des biodéchets est devenu une évidence en matière de gestion environnementale, leur collecte à vélo s’impose de plus en plus comme une pratique toute aussi évidente, contribuant ainsi à une logistique urbaine plus durable et respectueuse de l’environnement.

Composteur collectif ©Creative Commons Attribution 4.0 International
Composteur collectif ©Creative Commons Attribution 4.0 International

Quand le compost rassemble

La valorisation des biodéchets via des circuits courts permet non seulement de réduire la pollution, mais aussi de recréer du lien social en favorisant les échanges directs de biodéchets et compost entre producteurs, transformateurs et consommateurs. En Ille-et-Vilaine, par exemple, le SMICTOM des Pays de Vilaine a souhaité valoriser ses biodéchets en circuit local, en produisant un compost certifié utilisable en agriculture biologique pour les agriculteurs locaux. En 2015, la plateforme de compostage à Guignen, créée par le SMICTOM, a traité près de 9 500 tonnes de déchets organiques et a produit 5 120 tonnes de compost, utilisé par vingt agriculteurs du territoire. En 2021, la moitié des biodéchets a été vendue aux agriculteurs, le reste a été confié à un revendeur local et à divers professionnels. Lire la suite…