Pour commencer, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les débuts, les raisons, de votre appétence et votre intérêt pour le sujet ?

“L’univers des loisirs et des attractions me passionne depuis l’enfance. J’ai grandi dans les années 80, avec l’émergence de grands parcs d’attractions en France. Alors que ma vie professionnelle est centrée sur l’urbanisme et l’architecture, des sujets qui m’animent tout autant, je n’arrivais pas à concilier ma passion et mon métier.

Finalement, il y a 4 ans, lors d’un voyage à Orlando (référence mondiale de l’industrie des parcs de loisirs avec Disney World et Universal Resort) je me suis reconnecté à cet univers et pris conscience des nombreux liens qui unissaient les villes et les loisirs. Des liens, des points d’accroche qui se créent sur des thématiques comme le divertissement, la culture, l’art, le sport… Un constat que j’ai finalement vu émerger dans ma vie professionnelle, avec des aménageurs, des promoteurs et des territoires qui commençaient à associer des activités ludiques aux espaces et projets urbains.

C’est donc naturellement que j’ai souhaité rechercher, réfléchir, écrire et partager du contenu à ce sujet et créé l’observatoire Funfaircity pour partager les dynamiques que la rencontre entre ces deux univers peut faire émerger. Diffuser des exemples concrets où le loisir se matérialise et se concrétise de manière pertinente en ville, souvent à travers un lieu, est devenu le champ d’observation de Funfaircity. Cet outil m’a permis d’acquérir une réelle expertise sur le sujet et de développer par la suite un observatoire conseil de plus en plus actif, capable de guider des équipes projet pour favoriser l’intégration de ces dynamiques.

Aujourd’hui, l’observatoire intéresse autant les professionnels impliqués dans la fabrique urbaine que ceux qui développent des concepts de lieux de loisirs. Cette approche permet aux collectivités de se saisir de ces enjeux et de développer des espaces ludiques en ville. Quant aux opérateurs de loisirs, cela leur permet d’ouvrir leur imaginaire sur les opportunités qu’offrent les espaces urbains pour rendre possible des projets funs et novateurs.”

Thierry Paquot, philosophe de l’urbain, a mené des recherches et des études sur l’adaptation de l’espace urbain aux enfants. Le concept de ville récréative est né dans cette logique de développer des lieux facilement appropriables par les plus jeunes. Cette approche s’applique-t-elle également aux plus grands ? La création de ville ludique, est-ce finalement un moyen pour les usagers adultes de se réapproprier leur cadre de vie ?

“Effectivement, l’enjeu de la réappropriation d’un espace, d’un cadre de vie est tout à fait présent dans cette vision de la ville. La ville ludique permet, entre autres, de sortir du fameux triptyque métro-boulot-dodo et redonner du sens à la vie en ville. Je pense qu’il est légitime aujourd’hui que les citadines et citadins aspirent à passer du bon temps, se détendre et s’amuser au sein des lieux qu’ils fréquentent au quotidien. Ces approches, qui sont bien multi-publics, contribuent au développement de l’attractivité locale. Offrir du loisir en ville peut permettre d’éviter une part des déplacements en voiture ou avion sur de longues distances, grâce à une évasion accessible à proximité. Dans cette logique, redonner un aspect attrayant, ludique, plaisant à son cadre de vie participe à sa réappropriation.

L’hebdomadaire Le Moniteur a récemment publié un ouvrage intitulé “La ville pas chiante”. C’est un vrai sujet, d’autant plus pour les projets urbains, visant à créer de nouveaux quartiers et à  impulser la mutation de certains morceaux d’un territoire. Et cela passe notamment par l’évolution des loisirs traditionnels, l’adaptation des cinémas à l’appétence des personnes pour des plateformes comme Netflix. L’offre doit s’adapter pour tendre vers la création d’une offre de loisirs alternatifs. De manière plus globale, je pense que le fait de ne pas s’ennuyer en ville, de ne pas vivre ou travailler dans un lieu très standardisé, on aspire toutes et tous à cela.

Au sujet de la ville récréative, il est vrai qu’aujourd’hui l’aménagement de nos villes est davantage centré sur la sécurité des enfants que sur le rapport ludique, pédagogique qu’ils pourraient entretenir avec l’espace urbain, ou même sur la dimension d’expérience urbaine. Auparavant, et aujourd’hui encore dans certains territoires, il existait une surveillance informelle des enfants dans l’espace public qui leur permettait une appropriation plus spontanée de la ville. Ce qu’on appelait “les yeux de la rue”. Or, dans la société actuelle, l’aménagement urbain a plutôt tendance à sécuriser et clôturer les espaces dédiés aux enfants.

Pour autant, il est intéressant de voir comment les jeux d’enfants inspirent les professionnels qui réfléchissent à la ville ludique. Il existe des déclinaisons de ces jeux pour les plus grands. Je pense par exemple à des activités comme le mini-golf qui peuvent être associées à des univers très divers, du street art à l’animation musicale en passant par le bar à cocktails. Les jeux d’enfants représentent tout un univers d’inspirations pour la création de lieux de loisirs. L’enjeu est maintenant de réussir à créer une adhésion globale autour de la ville des loisirs, par des aménagements intergénérationnels et adaptés à toutes et tous.”

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Crédits photo de couverture ©Funfaircity