Mon premier « contact » avec l’artiste que je vais vous présenter fut dans la rue. Un jour de balade j’ai croisé de drôles de bonhommes perchés sur d’énormes sphères. Je ne savais pas alors qui était l’artiste qui avait réalisé cette oeuvre. Ma curiosité m’a poussée à faire quelques recherches. C’est ainsi que j’ai découvert Philippe Hérard. Par la suite, je l’ai « croisé » à nouveau lors d’expositions (au Cabinet d’amateur ou plus récemment au Musée de l’Eventail) ou sur les murs (en particulier dans le 12ème où on peut voir sa collaboration avec Nadège Dauvergne).
Mais ma « vraie » rencontre avec Philippe Hérard je la dois à Patrick Chaurin lors de mon passage au Cabinet d’amateur il y a quelques semaines. Il était alors en grande discussion avec l’artiste et a eu la gentillesse de nous présenter. Depuis, l’idée de faire le portrait de cet homme aux curieux « bonhommes » trottait dans ma tête. J’ai donc pris contact avec lui et il a accepté de répondre à quelques questions…
Comme nom d’artiste, Philippe Hérard n’a jamais trouvé mieux que le nom que lui ont donné ses parents, Bernadette et Pierre Hérard. Mais après tout, en effet, prendre un pseudo n’est pas une obligation ! C’est un homme qu’on pourrait qualifier de « taiseux », pas très à l’aise avec les mots… surtout quand il faut les écrire. Aussi, il ne cherche pas à expliquer ce qu’il peint. Ca ne l’intéresse pas de chercher un sens profond à sa peinture car le fond importe peu. Ce qu’il veut c’est peindre, parce que ça lui fait du bien. Puis le partager, parce que c’est ce qui l’excite.
Il n’est pas venu au street art par choix. Ce qu’il a choisi c’est la peinture comme mode d’expression parce qu’il n’y a qu’à travers elle qu’il arrive à dire. Il réalise donc toujours ses oeuvres en atelier. C’est là, à l’abri des regards que la création se fait. Puis, en 2009, faute de galerie pour montrer son travail il décide d’aller dans la rue pour exposer son travail au regard des autres. Il a pris goût à cette forme d’expression car intervenir dans la rue c’est affronter directement le regard de l’Autre pendant et après le collage. Le public n’est jamais acquis alors à chaque fois c’est une aventure dans laquelle se mêlent l’étonnement, l’angoisse et la surprise. Et surtout, il fait des rencontres, beaucoup de rencontres.
Son périmètre d’intervention est situé entre Ménilmontant, Oberkampf et quai de Jemmapes, englobant ainsi le quartier de Belleville. Comme vous pourrez le voir sur les photos qui vont suivre, Philippe Hérard cultive l’art du détournement. La rue et les murs avec leurs imperfections font partie de l’oeuvre. Le matériel qu’il utilise est donc très simple : du papier kraft ou des pages de journaux qu’il recycle sur lesquels il dessine au fusain ou à la peinture. Les couleurs reprennent celles des murs, s’intégrant ainsi sans le paysage urbain. Les personnages perdent l’équilibre ou se retiennent les uns aux autres dans des rues en pente.
Les petits « bonhommes » dont je vous parlais, il les appelle les « gugusses ». Ils ont des visages inexpressifs, à peine dessinés et semblent représenter une Humanité aux allures de pantins désarticulés, mis bien souvent dans des situations grotesques, attirant ainsi notre sympathie. Ils parlent de chacun d’entre nous, parfois perdus et un perdus au milieu d’une société écrasante.
Mais l’artiste ne porte aucun jugement et ne cherche pas à faire passer un quelconque message politique ou engagé.
Voici quelque mots trouvés sur le web, qui parlent à merveille des gugusses : « L’homme à la bouée, l’homme-vigie, l’homme en équilibre sur une sphère, l’homme à la fenêtre d’un monde auquel il est étranger suscitent tous un même sentiment de tristesse lasse. Les planètes sont trop petites et désertes, l’océan est souillé par une marée noire, l’univers qui les entoure est inhabitable, pollué, déshumanisé. Les dessins de Philippe Hérard reflètent la solitude profonde qui frappe l’humanité contemporaine. Quand il y a plusieurs personnages, ils sont identiques, clones inquiétants et dépressifs. L’artiste développe un vocabulaire pictural de l’isolement, de la fragmentation. Ses créatures dissimulent leur visage, peinent à conserver leur équilibre, scrutent l’horizon avec inquiétude, se recroquevillent, se contorsionnent. Postures grotesques, humiliantes, nudité exposée, entrave physique traduisent angoisse et embarras. Philippe Hérard représente des images anxiogènes dans lesquels gesticulation et agitation nerveuse font place à un marasme inquiet, une impuissance douloureuse. L’homme mis à nu, corps et âme, est placé face à lui-même, à sa difficulté d’être, forcé d’assumer la responsabilité de sa condition et son impuissance par rapport au monde qui l’entoure. »
Lorsque l’on croise une des oeuvres de Philippe Hérard, on ne peut rester indifférent (enfin il me semble). On se sent un peu bousculer et elle donne forcément à réfléchir sur notre condition d’humain sur cette petite planète.
Retrouvez tout l’univers de Philippe Hérard sur son site : http://phherard.wix.com/philippeherard