Par Nathan, 27 ans, urbaniste en recherche d’emploi.

Dax, le 23 mars 2020.

Il me semble inéluctable que cette crise mondiale va forcément nous faire repenser notre façon de vivre la ville. Attractive, culturelle, dynamique, et parfois prétentieuse, elle a pourtant vu bon nombre de ses habitants la fuir pour la campagne. Je crois qu’à travers ce confinement imposé, nous touchons en ce-moment les limites même de la conception moderne de la ville : la vitesse a laissé place à la lenteur, la productivité à tout prix a laissé place au recul et à la clairvoyance plus qu’au résultat.

Des épisodes de crise ont, à juste titre, freiné considérablement la vie d’une ville. Il y a bien entendu le Grand Smog londonien en 1952 ou les effets de Mai 68 en France. Je me rappelle aussi des premières heures et jours qui ont suivi les attentats en 2015 à Paris, où la ville était comme paralysée, à l’affût du moindre bruit de chariot malencontreusement tombé, de la suspicion d’une voiture mal garée devant une école, d’un crissement de pneu au loin, d’un gyrophare de police dans la rue, d’un caractère suspect en voyant un homme avec un sac de sport dans une rame de métro. Un temps suspendu.

Aussi, le cas d’une guerre militaire dans des villes détruites est bien entendu une triste réalité, quotidienne et souvent passée sous silence. Les habitants de ces cités meurtries, en Syrie, au Soudan, en Libye, n’ont pas attendu un virus pour devoir s’adapter et continuer à vivre. Les camps de réfugiés deviennent de nouvelles villes, comme c’est le cas à Bidi Bidi, dans le Nord de l’Ouganda. Deuxième plus grand camp de réfugiés du monde après celui des Rohingas au Bangladesh, près de 250 000 personnes y ont trouvé refuge, temporairement dans un premier temps. Mais de réfugiés, on pourrait parler dorénavant d’habitants. National Geographic en avril 2019 avait d’ailleurs consacré un superbe article sur Bidi Bidi, que je vous recommande.

Mais la ville est aussi à l’arrêt pour des raisons bien plus joyeuses: comment ne pas évoquer, en bon landais que je suis, les quelques jours de feria que nous avons à Dax, Mont-de-Marsan, Bayonne, et dans toutes les petites villes et villages des alentours: circulation coupée et déviée, transports en commun revisités et réaménagés, piétonnisation massive des boulevards et avenues, services médicaux adaptés… L’exemple de Dax suffit à lui seul: de 20 000 habitants à l’année, plus de 800 000 personnes affluent vers la ville thermale durant 5 jours et 5 nuits, non sans conséquence forcément sur la vie urbaine locale! Ce chiffre dépasse les 1 million à Bayonne (ville de 50 000 habitants à l’année), il est de 500 000 à Mont-de-Marsan (ville de 32 000 habitants à l’année). Des mesures sont prises en place avec les services de l’Etat, les commerçants, les habitants, et entre les villes entre elles. Par exemple, chaque matin de 5h à 8h, les rues et places sont nettoyées par les services d’entretien de plusieurs villes des alentours. Ainsi à Dax est-il naturel de bon matin de croiser des camions-nettoyage de la Ville de Bayonne ou de Saint-Paul-lès-Dax… et vice-verça! Bien entendu, le confinement actuel laisse pour le moment d’importants doutes quant à la tenue de ces événements cet été.

En attendant, il est temps de se recentrer sur notre local, notre quartier. Redécouvrir la marche, prendre son temps, être à la fenêtre et regarder ce qu’il se passe en bas, devant, au-dessus de soi. La ville a évolué en même temps que l’homme, mais jamais elle ne nous appartiendra vraiment. Je finirai par cette image: celui qui plante un arbre en sachant qu’il ne profitera pas de son ombre a tout compris à la vie. A vos pelles, citadins.

Photo de couverture : Gare de Dax, crédit : Patrick Janicek sur Flickr