Comment faire advenir l’urbanité ?

L’urbanité, c’est la politesse urbaine. Les bâtiments doivent se fréquenter et donner le sentiment qu’ils créent une continuité, une harmonie. Un exemple de très mauvaise urbanité, c’est Porte des Lilas à Paris. Deux grands immeubles de même hauteur avec les mêmes retraits…L’architecte qui en a présidé la construction, a usé de règles mathématiques, sauf qu’il a laissé deux architectes se haïr. L’un a fait son bâtiment en briques, l’autre en noir agressif. Résultat, un sentiment d’hostilité, c’est cela la mauvaise urbanité. En architecture, il y a un sentir commun, à l’image de Descartes et du sens commun : la chose la mieux partagée. Haussmann a créé un espace égalitaire dans tout Paris et selon que vous soyez puissant ou misérable, les parcs, les squares, les lampadaires, les trottoirs, tout ce qui fait de cette ville un lieu commun a été conçu avec un extraordinaire soin.

Est ce qu’on doit repenser la place des acteurs qui construisent la ville ?

Pour y arriver, il faut inverser le rapport entre la maîtrise d’ouvrage et la maitrise d’œuvre. Il faut que les maîtres d’œuvre soient des maitres d’ouvrage. Paris s’est fait avec un chef, Haussmann et un jardinier, Alphand. Pour faire le Grand Paris il faut qu’Alphand soit le chef et Haussmann le fabriquant. Le chef doit être l’artiste. Tant que l’artiste est le technocrate, le préfet, on ne peut pas bien faire les villes.

La technologie peut-elle être un levier d’humanisation des villes ?

Non ! Peut-être. Mais ma première réponse est non. Mais j’ai probablement tort. La manière de raconter une ville à partir de la technologie peut entrainer de vraies catastrophes. Par contre il faut imaginer la poétique d’une ville dans laquelle il n’y a plus de bruits de voitures. Et la deuxième chose, c’est que les villes vont devenir de plus en plus agricoles. On peut mélanger dans les villes une intensité urbaine pour une bonne urbanité, avec l’agriculture urbaine. Cette ville qui donne à manger, cela peut faire évoluer les villes vers plus d’idéologie, non vers la technologie. Dans toutes les innovations techniques, il faut avoir le concept d’Heidegger en tête, l’arraisonnement par la technique. Dès qu’on a les moyens techniques, un moyen nouveau, il ne faut pas qu’il arraisonne. Un de mes amis, Gilles Olive disait la technologie ne vaut que dans l’art. J’ajouterai que la technologie ne vaut que si elle est balisée philosophiquement dans la grande bataille pour pacifier les relations entre tous.