Stéphane Malka est un personnage peu ordinaire. Plutôt beau gosse, la barbe bien taillée, le regard sombre, il tient une agence sur les toits de Paris.

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© Laurent Clement
 

Ce personnage atypique n’aime pas proposer de chaise à ses invités. Il les assoit sur des frites de mousse rouge de 30/30 cm de section appelés Sols Mutants, un mobilier de sa création. Il explique alors à son auditeur en équilibre instable que l’espace de travail doit être un espace de mouvement et que, par ce dessin de mobilier, il prétend (il est vrai, comment ne pas lorgner le confortable canapé d’à côté ?) favoriser le déplacement. « Si la discussion doit durer, nous changerons inévitablement de place » lance-t-il avec un petit sourire en coin.

Né à Marseille, il commence à décrypter la ville en s’essayant au graffiti, à une époque où le « street-art » n’est pas un art reconnu et où les fresques murales sont assimilées à des dégradations de l’espace public. Métros, terrains vagues et dents creuses deviennent ses terrains de jeu et endossent un rôle fondamental dans sa prise de conscience urbaine. «J’ai ainsi réalisé que ce chaos qu’est la ville était pensé et dessiné ». Il observe avec attention la transformation des lieux, l’installation de chantiers à l’origine de la création d’une poche, d’une « absence » comme il aime à le dire, puis comment de nouveau le trou est comblé, l’espace est lissé. Cette rencontre entre le corps et la porosité urbaine, à l’origine de l’expérience, s’imprimera dans la mémoire de l’architecte en devenir qui n’aura de cesse, une fois ce titre acquis, de re-questionner la fonction et la mutabilité des délaissés urbains. Dans son ouvrage Le Petit Paris, Stéphane Malka prend le contre-pied du Grand Paris, qu’il choisit d’aborder à une échelle micro.

« Nous n’avons de cesse de vouloir étirer le territoire sans prendre conscience des limites-mêmes de la ville, que l’on considère comme de plus en plus inexistantes. Or, tant que le périphérique sera découvert, il représentera une limite physique de la ville, quand bien même quelques passages seront aménagés. »

Le Petit Paris aborde la petite échelle, celle du dessus, du dessous, du devant et de l’entre. De là est née l’idée d’organiser le livre comme un Kamasutra Architectural, abordant toutes les positions dans l’espace. La redéfinition de concepts architecturaux à travers la réécriture de micro-architectures sert ici à construire la ville sur la ville, à développer le foncier de Paris intra-muros. En réalité, Paris sert de prétexte à la volonté de traiter des lieux génériques tels que les toits, les dents creuses, les ponts ou les murs pignons. La stratégie urbaine déployée sur ces espaces « a-territoriaux » à l’identité universelle est de facto applicable « ex situ ». Ce concept possède un double avantage pour servir les partis pris architecturaux : il est applicable à l’infini et adaptable sur mesure, chaque projet étant ajusté à l’environnement qui l’accueille.

« Dans le projet Auto-Défense, je propose de border la jambe de l’Arche de La Défense de cubes de logements. Ce grand vide accueillerait ainsi une nouvelle fonction. Mais il ne s’agit pas de coller une surface à une autre. La « greffe doit prendre » et pour cela il est nécessaire d’aménager des porosités transversales entre espaces de travail et espaces de résidence. »

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Visuel du projet Auto Défense

Ainsi, lorsque Stéphane Malka s’attaque aux délaissés urbains, il ne s’agit pas de voies ferrées, de friches, de tunnels ou de talus, mais de parois ; de n’importe quelle paroi permettant l’accroche. Verticale, horizontale, oblique, courbe… peu importe, cette surface représente toujours un support.


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