La vive opposition face au projet de ce nouvel aéroport émane en particulier des défenseurs de l’environnement. Le projet de NDDL menaçait en effet une biodiversité locale importante. Il menaçait également les terres agricoles des exploitations locales, alors qu’un autre aéroport était déjà présent à Nantes, qu’il est possible d’agrandir pour accueillir davantage de voyageurs. Ce sont finalement ces arguments qui auront été retenus, et qui auront fait pencher la balance en faveur de ce que l’on appelle la « ZAD », ou la zone à défendre, tenue par des zadistes, ces citoyens fervents défenseurs écologiques.

Mais le projet de NDDL n’est pas unique en son genre. En France ou ailleurs, les revendications citoyennes ont également permis d’avorter des projets qui pouvait compromettre la stabilité environnementale et sociale locale. Revenons donc ici sur trois projets qui auront fortement impliqué les citoyens, dont la voix aura finalement porté les derniers mots des débats.

Istanbul – l’urbanisation d’un parc en cœur de ville en 2013

Le parc Gezi, dans la capitale turque a été crée en 1943. Les stambouliotes peuvent venir s’y promener, y flâner paisiblement, en plein de cœur de la ville. 70 ans plus tard, en 2013, c’est un bien plus triste tableau qui est représenté par le parc. Un projet urbain présenté par les services communaux dévoile en effet l’idée d’y reconstruire d’anciennes casernes militaires en vue d’y implanter un centre commercial, et de raser le parc dans le cadre du développement urbain d’Istanbul et de la piétonnisation de la place Taksim.

Seulement, le projet n’a pas fait que des heureux. Si bien que plus de 10 000 personnes se sont rassemblées dans les espaces verts ainsi que sur la place Taksim attenante. Cette mobilisation en faveur d’un espace si précieux, en pleine métropole, aura engagé de violents affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants opposés au projet. Entre associations culturelles, syndicats, artistes, étudiants et autres personnes révoltées face à l’urbanisation croissante et irresponsable de leur ville, le débat a rapidement pris une envergure très médiatisée et très mouvementée.

En fin de comptes, bien qu’aucun communiqué officiel n’ait eu lieu de la part du gouvernement, le projet initialement prévu n’aura finalement pas eu lieu. Bien sûr, il aura fallu qu’un énorme mouvement protestataire entre en jeu, que de nombreuses victimes soient blessées ou tuées avant que les violences ne se calment. En tout cas, il s’agit bien là d’une franche opposition de la part des citoyens, puis de personnalités étrangères, qui aura permis de faire couler un projet qui allait à l’encontre des valeurs des habitants.

Roubaix – Le quartier Alma-Gare, source d’un urbanisme « par le bas »

À la fin des années 70, les pouvoirs publics de Roubaix lancent l’idée d’un projet de rénovation urbaine dans le quartier de l’Alma, à proximité de la gare. L’idée est de mettre en place une stratégie urbaine à l’échelle d’un quartier populaire qui était alors principalement occupé par des classes ouvrières.

Mais face à cette ambition municipale de reconquérir le quartier populaire, les habitants de ce dernier ne sont pas restés sans voix. Bien au contraire, c’est notamment par la création de l’Atelier Populaire d’Urbanisme (APU) qu’ils ont gardé la main sur leurs espaces de vie, sur leurs logements et sur leurs vies. « L’APU ne représente pas les habitants, il est les habitants », le slogan de l’atelier, ne pouvait pas être plus clair. Par une prise de parole non-seulement contestataire mais bel et bien de propositions de solutions adaptées, les citoyens les plus impactés par les projets urbains pouvaient enfin avoir un véritable rôle dans le domaine de l’urbanisme.

À la fin de l’année 1977, la force de frappe était devenue si importante que la municipalité se trouve finalement dans l’obligation de respecter les préconisations avancées dans les documents de l’APU. C’est une avancée révolutionnaire dans le monde de l’urbanisme, à tel point que des prix d’architecture sont attribués au projet citoyen. En matière de concertation, on ne peut pas faire mieux… et ça ne s’arrête pas là ! Au-delà de cette prise de décision de la part des habitants concernés, des démarches d’autogestion ont même commencé à fleurir dans le quartier !

Berlin, Helmholtzplatz, années 90

Dans le cas de Berlin, ce n’est pas un projet architectural ou urbain d’envergure qui fera monter la prise de parole des habitants locaux. En revanche, c’est la transformation progressive du quartier Prenzlauer Berg, et notamment de la Helmotzplatz, qui incitera la participation des citoyens locaux pour lutter contre la gentrification de leur quartier, et l’installation à leurs dépends d’une population plus aisée.

Le quartier, situé entre deux parcs du nord de la capitale allemande, constitue un territoire stratégique dans la reconquête des espaces verts berlinois. Si le quartier s’est largement trouvé affecté par la construction du mur et s’est particulièrement dégradé depuis, la gentrification qui s’installe tranquillement dans le quartier pousse les habitants et les associations locales à revendiquer leurs droits et la place légitime qu’il occupent dans le quartier.

Bien que la participation des habitants soit devenue depuis les années 90 un processus immanquable pour le développement du quartier, il semblerait néanmoins que l’objectif de freiner la gentrification n’ait finalement pas pu aboutir. Il faut toutefois retenir que l’implication citoyenne des habitants locaux a permis de concevoir l’environnement à l’image des personnes qui y vivaient chaque jour.

Des actions citoyennes pour faire vivre la ville

Ces trois exemples, ainsi que celui du projet avorté de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes démontrent la force que peut avoir un mouvement citoyen engagé en faveur de la préservation d’un espace. Roubaix, Istanbul, Berlin en milieu urbain mais également le projet de Loire-Atlantique en milieu rural.

Dans tous ces exemples, on se rend compte que les démarches locales sont principalement initiées suite à une méconnaissance de la part des autorités des enjeux pour les habitants des zones dont il est question. Les politiques publiques, si leurs projets peuvent (ou pas) être louables, n’ont pas toujours une vision intime du territoire qu’ils souhaitent développer. Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle Edouard Philippe s’est lancé dans cette démarche d’écoute et d’analyse au plus près des personnes les plus touchées. La prise en compte des habitants, si elle est motivée est justifiée, permet de compléter cette lacune et de favoriser un aménagement plus durable, qui intègre tous les acteurs et tous les enjeux du territoire.