Début avril 2019, la ville de Paris annonçait qu’actuellement 6 089 chantiers sont toujours en cours dans le périmètre urbain parisien. Elle semble être un chantier immense à ciel ouvert, ce qui irrite la plupart de ses résidents et usagers. Un phénomène qui ne se limite pas qu’à la capitale puisque le propre de l’urbain est d’être en perpétuelle mutation : les villes se densifient en construisant, se réinventent en transformant leurs espaces, en  améliorant leurs réseaux souterrains et en aménageant de nouvelles voiries pour les mobilités douces par exemple. En 2019, on estime à 71 500 le nombre de chantiers qui sont et seront lancés dans l’hexagone (selon le site leschantiersdefrance.com) : de quoi bousculer le quotidien des Français, mais également transformer les espaces urbanisés pour améliorer le bien-être urbain.

Alors que le nombre de chantiers semble augmenter d’année en année, les grands projets urbains lancés par les métropoles ces derniers temps illustrent également un changement d’échelle : ce sont désormais des morceaux de ville qui sont en pleine mutation, sur des temps plus longs. Cela engendre des transports de matériaux colossaux et un défilé de véhicules grandissant. Les tensions entre riverains et constructeurs sont également de plus en plus complexes. Certains chantiers fonctionnent 24 heures sur 24, ce qui induit des nuisances sonores et lumineuses, mais aussi la présence de poussière, susceptibles d’agacer les personnes qui résident à proximité des chantiers.

Les travaux en zone urbaine provoquent également la plupart du temps la modification des voies de circulation, avec le jeu de déviation, mais aussi la suppression des espaces piétons le long des chantiers. De quoi largement troubler le quotidien des urbains, qui semble subir l’ensemble des aspects négatifs qu’engendrent les travaux. Une incompréhension et un agacement souvent accentués par l’ignorance des riverains sur ce qui se passe derrière les palissades de chantier. En effet, à part le ballet incessant des véhicules utilitaires, et la danse des grues, il est compliqué de savoir réellement comment se déroule le chantier, comment les travaux sont effectués, quels sont ses avancements. Et plus largement, les délais de chantier sont parfois inconnus des riverains.  

Beaucoup de désagréments qui ont tendance à creuser un fossé entre la vie du chantier et son environnement. Mais alors comment peut-on réussir à faire de ces espaces en pleine mutation des lieu plus ouverts, de médiation, mieux inscrits dans leurs quartiers, et plus respectueux de l’environnement ?

Mieux informer les riverains sur le déroulé du chantier

Pour assurer les relations entre les différents acteurs autour d’un chantier, que ce soit travailleurs, commerçants et riverains, un nouveau type de métier est apparu depuis quelques années : le médiateur de chantier.

La communauté d’agglomération Limoges métropole a été l’une des premières à mettre en place en 2015 un médiateur de chantier pour la réalisation de vastes travaux sur la voirie liés au changement des réseaux enterrés. Le médiateur a pour objectif de faire l’interface entre l’ensemble des personnes impactées par ces travaux, pour informer, prévenir et diminuer le nombre de sources potentielles de conflits. Ainsi, les échanges, plaintes et questions sont centralisés autour d’une personne identifiée qui peut alors mettre en place des solutions sur-mesure, pour que chacun puisse vivre ce temps d’attente comme un moment apaisé.

Pour la réalisation du Grand Paris Express, la Société du Grand Paris (SGP) a également attaché aux travaux de construction des nouvelles gares des agents de proximité qui ont pour rôle, comme les médiateurs de chantier, de récolter les demandes et requêtes des riverains pour les partager aux différents acteurs et services de la SGP. Elle a également expérimenté La météo des chantiers, une application mobile dédiée aux habitants, pour suivre l’évolution des chantiers et les nuisances sonores. En proposant une information transparente en temps réel, disponible sur les téléphones, ce sont alors les liens entre habitants et chantiers qui sont renforcés, ce qui facilite l’installation d’un climat de tolérance.

Les palissades de chantier peuvent également aider à la communication des éléments des chantiers au grand public. Ces panneaux ne sont pour la plupart du temps pas utilisés, alors qu’ils offrent de larges surfaces qui peuvent justement devenir le support d’éléments informatifs sur les travaux en cours. En effet, la plupart des riverains et passants sont curieux et désirent en savoir plus. Parce qu’un chantier qui communique, c’est un chantier qui est réussi le pari de l’apaisement et de la cohabitation !

Créer de l’animation autour des chantiers

Pour une meilleure intégration des chantiers dans leur environnement, l’un des enjeux majeurs est leur ouverture au grand public. En offrant la possibilité de découvrir le monde caché des espaces en travaux, c’est à la fois la valorisation des métiers du BTP, mais également l’amélioration de la connaissance du public sur les enjeux des travaux qui sont promus.

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Crédit photo ©Etienne Girardet via Unsplash

Des visites de chantiers peuvent être proposées au public dans certains lieux. Les Journées du patrimoine sont d’ailleurs souvent l’occasion de découvrir l’intérieur des plus grands chantiers des villes. Mais certaines Maisons de projets organisent elles-mêmes des visites de bâtiments ou des quartiers en construction, pour illustrer l’avancée des travaux et créer du dialogue entre les ouvriers, les chefs de chantier et le public souvent curieux, mais aussi en attente de réponses. À Lyon, l’association Chic de l’archi organise même, en partenariat avec des écoles élémentaires, des visites de chantiers pour les plus petits. Un bon moyen de sensibiliser dès le plus jeune âge aux enjeux du renouvellement de la ville, et pourquoi pas aussi créer des vocations.

Certaines fois, les temps de travaux sont l’occasion de proposer des animations festives : les maisons de projet sont la plupart du temps en charge d’animer, d’informer, mais aussi de célébrer les avancées des travaux avec l’ensemble des parties prenantes. C’est en créant un événement, de la rencontre et en favorisant les échanges que les riverains, commerçants, curieux, auront plus de facilité à s’approprier les travaux et leur déroulé. Une bonne solution pour transformer ces espaces de tension en espaces festifs.

Les ouvertures des chantiers au public restent cependant assez rares. Les protocoles mis en place sont très contraignants pour les organisateurs, notamment pour des questions de sécurité. Certains chantiers mettent en place des points de vue accessibles pour le grand public qui permettent de voir l’évolution des travaux. Une alternative, même si moins immersive, que la plupart des chantiers peuvent adopter.

Pourquoi ne pas réfléchir à des chantiers plus respectueux de leur environnement ?

Sans pour autant stopper l’ensemble des actions mises en place depuis ces dernières années sur le dialogue entre les professionnels du BTP et les riverains, il serait bon de réfléchir à des solutions qui permettraient de supprimer les potentielles sources de nuisances, et donc les éventuels conflits découlant des chantiers. En soit, réfléchir à des chantiers plus respectueux de leur environnement, mais également des hommes et de la planète.

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Crédit photo ©Scott Blake via Unsplash

Bien que la médiation autour des chantiers se soit grandement développée ces dernières années, peu savent que des labels existent pour garantir des chantiers plus respectueux. En effet, ces dernières années les normes relatives à la protection de l’environnement, à la santé des travailleurs, et à l’impact sur la qualité de vie des riverains se sont fortement multipliées. . L’apparition des “chantiers verts” ou “chantiers propres” pour la construction des écoquartiers ont réduit l’impact des chantiers d’un point de vue écologique, mais également permis de diminuer les nuisances et désagréments. La charte établie peut notamment exiger : un contrôle et une limitation du niveau acoustique des travaux à 85 dB(A) par des capteurs situés en zone de chantier, une amélioration des conditions de travail et du risque santé du personnel de chantier, la limitation des pollutions de proximité (avec l’utilisation d’eaux de lavage pour les outils et les véhicules), la gestion et collecte des déchets grâce à des bacs spéciaux pour une amélioration du recyclage.  

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Crédit photo ©Andrew Leu via Unsplash

De plus en plus d’initiatives réfléchissent à des solutions visant à réduire le nombre de déchets créés par les chantiers, qui malheureusement sont encore trop nombreux. En effet, le secteur du bâtiment produit en moyenne 40 millions de tonnes de déchet par an. Un score élevé que l’Union européenne cherche à diminuer, puisqu’elle prévoit à l’horizon 2020 le recyclage de 70% des déchets issus de la construction et de la déconstruction. Certains acteurs se sont déjà lancés dans cette belle aventure, comme par exemple Minéka, une association créée par des architectes qui cherchent à offrir une seconde vie aux matériaux de construction en les reconditionnant et en les revendant à des professionnels et des particuliers, en encore Cycle-Up qui accompagne les entreprises en les aidant à valoriser leurs matériaux de construction sur les chantiers pour réduire le nombre de déchets. Des initiatives qui devraient être davantage valorisées pour tendre vers des chantiers plus respectueux !

La bonne gestion des chantiers en ville reste un enjeu primordial afin d’assurer à tous des conditions de travail agréables et une meilleure appréciation des chantiers pour les riverains. Même s’il persiste encore des problèmes, les actions et solutions mises en place semblent aller dans le bon sens. Alors, continuons à construire collectivement une ville apaisée qui réussira à se transformer en douceur dans le respect de tous !

Crédit photo de couverture ©Sebastien Le Derout via Unsplash