Le dernier rapport du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), édité en 2018, prévoit l’augmentation du niveau des eaux d’un mètre environ d’ici 2050. Le Bangladesh, avec la plus grande majorité de son territoire situé au niveau de la mer, est déjà fortement impacté par les effets du dérèglement climatique. Et le pays risque de l’être de plus en plus dans l’avenir, puisqu’il voit peu à peu la fréquence et la violence des catastrophes naturelles augmenter. Celui-ci subit également de fortes crues de ses deux fleuves, le Gange et le Brahmapoutre, engendrées par l’accélération de la fonte des glaciers de l’Himalaya. Ces débordements qui impactent fortement le pays en inondant de vastes plaines agricoles et en y amenant les eaux polluées par les pays limitrophes.

La vulnérabilité du pays, face aux catastrophes qu’il subit, fait de lui un véritable laboratoire global pour faire face aux effets du changement climatique dans les pays aux climats humides, et pousse ses habitants à trouver des solutions afin de s’adapter aux mutations de leur environnement. Les architectes bangladais se sont très vite impliqués pour imaginer et concevoir des bâtiments ajustés à ces nouvelles conditions, et nous prouvent que l’ingéniosité peut se mettre au service des hommes.

Depuis une dizaine d’années, le Bangladesh voit apparaître sur son territoire de plus en plus de projets modulaires et adaptables, portés par des architectes locaux et financés par des ONG internationales. L’omniprésence de l’eau sur l’ensemble de son territoire, et la difficulté à la maîtriser, reste le principal enjeu pour proposer des solutions architecturales pertinentes et efficaces. En imaginant des bâtiments flottants, des infrastructures démontables en roseaux et bambous, mais aussi la surélévation des villages entiers avec des pilotis et l’aménagement de bassins de rétention d’eau, les architectes intègrent les nouvelles contraintes en s’adaptant aux conditions locales et en apportant de nouveaux services aux populations souvent désarmées face à ses changements brutaux qui ont un impact sur leur quotidien.

Une école flottante qui s’adapte aux moussons

Dans un pays où l’accès à l’éducation est compliqué par une grande partie de la population, l’architecte Mohammed Rezwan, soutenu par l’ONG Shidhulai Swaniryar Sangstha, a imaginé une école flottante s’adaptant à la montée des eaux lors de la saison des moussons. En effet, de juin à octobre, le pays est paralysé par l’importance des pluies tombées. Les routes deviennent impraticables, les écoles sont inondées et se sont alors obligées de fermer. La mise en place de ce bateau-école a permis de pallier à la majorité des problèmes qu’apportent les moussons.

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Lors de la saison des moussons, le bateau est le moyen de transport le plus efficace – Crédit photo ©Ishtiaque G2 via Unsplash

Désormais, tout au long de l’année, cette école flottante va chercher les enfants dans les zones rurales les plus reculées et leur assure de pouvoir suivre l’enseignement qui y est dispensé. Composée d’une salle de classe avec un tableau et une bibliothèque, ainsi que des ordinateurs connectés à internet et alimentés à l’énergie solaire grâce à des panneaux photovoltaïques présents sur son toit, elle accueille 90 enfants. Après la journée de classe, les enfants rentrent chez eux avec des lanternes solaires rechargées pour pouvoir faire leurs devoirs le soir.

Un abri anti-cyclonique polyvalent

Les nombreuses catastrophes météorologiques qui impactent le pays ont également poussé les architectes à concevoir des abris pour les populations. Ainsi, Kashef Chowdhury, architecte bangladais, a imaginé un nouveau type d’abris : en plus d’être un lieu d’accueil pour les habitants (environ 1000 personnes) lors de fortes intempéries, le Cyclone Shelter, inauguré en novembre 2018, est également composé d’une école et d’un centre de soins médicaux. En plus de la mixité d’usages qu’il y apporte, l’architecte a également réfléchi à un système permettant d’abriter les animaux. En effet, grâce à une rampe circulaire, environ 200 bovins peuvent alors avoir accès à l’intérieur du bâtiment.

Avec cette architecture ingénieuse, respectueuse de son environnement et de l’histoire des lieux, ces architectes nous rappelle que l’architecture doit avant tout porter une responsabilité sociale. Dans un futur des plus incertains d’un point de vue climatique, la situation du Bangladesh pourrait se généraliser à un grand nombre de pays du monde. Il est important de tirer des enseignements de ces initiatives portées par les architectes bangladais, qui part leurs projets, placent leur pays comme un modèle international de réponse architecturale aux questions sociétales, économiques et climatiques.

Crédit photo de couverture – Chittagong, Bangladesh ©Safwan Mahmud via Unsplash