Comme dans les grandes villes européennes, ce ne sont pas les pressions foncières qui manquent à Berlin. Entre les grands groupes comme Google qui tentent de s’installer et les commerces qui s’embourgeoisent, les habitants et les commerçants, initialement présents, ressentent une exclusion progressive et parfois même fulgurante, en dehors de la ville.



Mais, comme on dit “qui s’y frotte, s’y pique”. A Berlin, la population n’est pas en reste puisqu’elle se réunit et s’associe pour lutter contre la menace qui les guette. Les habitants et les collectifs d’habitants, bien informés, font tout pour ne pas être expulsés ou pour éviter la pression induite par la hausse des loyers. Kreuzberg est le quartier populaire le plus représentatif de ces contestations avec, notamment, le collectif “Fuck off Google !” qui s’est mobilisé pour empêcher l’installation d’un septième Google Campus, incubateur de start-ups de 3000m², et limiter ainsi, l’inflation du marché immobilier dans leur quartier. Pour cela, ce sont de nombreuses initiatives citoyennes qui se sont manifestées pour montrer leur mécontentement face à l’arrivée du géant comme la dénonciation des évasions fiscales de Google ou l’ouverture d’un site internet au service de leurs actions.



Le quartier s’est aussi mobilisé pour sauver le café-boulangerie Filou et cesser le mouvement d’expulsion qui s’opère chez les petites commerçants. De même, le café “Syndikat” à Neukölln, géré par un collectif de 8 locataires, a décidé d’entamer une procédure juridique afin de sauvegarder leur bail menacé, après avoir découvert que leur propriétaire était la famille britannique multimillionnaire Pears.



S’ajoutent à ces diverses actions, les manifestations d’avril dernier contre la hausse des loyers qui ont réuni entre 10 000 à 25 000 habitants militants pour une plus forte régulation du marché des logements. Ces contestations se légitiment par une soudaine forte hausse des loyers à Berlin, plus importante que dans les autres grandes villes. D’après un article de Libération, l’étude du cabinet britannique Knight Frank compte une élévation de l’inflation à Berlin de 20% entre 2016 et 2017 et jusqu’à 71% pour le quartier de Kreuzberg. A titre de comparaison, l’inflation à augmenter de 0,8% dans l’agglomération parisienne de 2017 à 2018, d’après l’Observatoire des Loyers de l’Agglomération Parisienne (OLAP). Une évolution plutôt modérée qui résulte de politiques d’encadrement des loyers prises par l’Etat.



Révélateur d’une difficultée quotidienne croissante pour les ménages, ces actions montrent aussi qu’ils ne se laissent pas faire pour autant. Mobilisés, les habitants, sont aussi acteurs de la ville et utilisent, parfois, des pratiques innovantes comme c’est le cas des gérants de Holzmarkt, une coopérative qui a organisé un village sur des rives de la Spree. Cette dernière a d’ailleurs participé à l’appel d’offre de la mairie qui souhaitait se libérer de cet espace, en réalisant un partenariat avec un fonds de pension vertueux Suisse qui a accepté d’acquérir un bail pour 75 ans et de le louer à Holzmarkt. Une manière de sauvegarder cet espace qui regroupe des auto-entrepreneurs, des travailleurs sociaux, des commerçants ou encore des artistes.



Cette tactique va-t-elle à l’encontre des revendications de régulation du marché pour limiter la hausse des loyers ? Ou au contraire, n’est-elle pas finalement l’avenir en proposant un montage juridique suffisamment intelligent pour permettre à des territoires comme ce village de se fondre dans le jeu des marchés ? Et cela, en plus, tout en protégeant les habitants de la spéculation, mais aussi en sauvegardant une image et une culture berlinoise populaire et artistique qui véhicule un autre modèle d’organisation. Une chose est sûre, les habitants de Berlin n’ont pas dit leur dernier mot.




Galerie côté Est – Photo de PeterDargatz via Pixabay



Photo de couverture: – Photo par polaroidville via Unsplash