Suite à cette annonce, la Rédaction vous dévoile dans cet article son point de vue sur l’idée de faciliter la mise en place de péages urbains autour des villes du pays. Afin d’illustrer ce propos, prenons l’exemple des principales villes européennes ayant déjà limité l’accès de leurs centres aux utilisateurs de voitures :

Oslo, depuis 1987 : une réussite économique

Dans la capitale norvégienne, l’ambition première n’était pas spécialement de réduire le trafic du centre. L’ambition n’était pas non plus de réduire les émissions de gaz menaçants pour l’environnement. En revanche, l’objectif était d’imposer une taxe aux personnes souhaitant entrer en voiture dans le centre de la ville, suffisamment abordable pour que le trafic ne désemplisse pas et permette de renflouer les caisses de la municipalité. La somme récoltée est par la suite réutilisée pour financer les infrastructures de transport, comme les ponts par exemple.

Le résultat est donc très satisfaisant dans la mesure où l’objectif économique est semble-t-il atteint. Mais la nouvelle orientation politique de la ville espère frapper un coup bien plus fort dès 2019, lorsque les voitures devraient être totalement exclues du centre.

Londres, depuis 2003 : une mesure forte qui n’a pas les effets escomptés

À Londres en revanche, la taxe imposée aux automobilistes est la plus élevée d’Europe. En plus des 13 euros quotidiens, 11 euros sont ajoutés aux conducteurs de voitures construites avant 2006 ! Une mesure forte et dissuasive dont l’objectif cette fois-ci est bel et bien de réduire le trafic interne et la pollution de l’agglomération.

Mais la très faible superficie de la zone située à l’intérieur du périmètre du péage urbain à l’échelle du Grand Londres donne des résultats qui ne sont pas à la hauteur des espérances initiales. C’est-à-dire que malgré l’indéniable apport financier, la congestion du trafic n’a quant à elle pas évolué positivement : même si le centre de la capitale est en effet moins emprunté, la congestion est toutefois désormais plus importante aux alentours, aux entrées du péage.

De plus, la pollution n’est pas davantage maîtrisée, puisque la baisse de trafic dans un noyau très localisé ne peut pas permettre de diminuer drastiquement les gaz dégagés dans le reste de la ville.

Stockholm et Göteborg : une réussite environnementale

La capitale suédoise s’est dotée d’un péage urbain en 2007. Depuis son intégration dans l’Union Européenne, le pays scandinave porte son regard vers la transition énergétique et la faible utilisation des ressources naturelles. C’est dans ce cadre qu’une taxe est imposée aux utilisateurs de véhicules personnels pour pénétrer dans le centre de la ville. Avec 1 à 2 euros par passage, la somme quotidienne ne peut pas excéder 7 euros.

Si le montant de la taxe ne semble pas excessive, surtout comparé à celui de Londres, le résultat est toutefois très satisfaisant, en matière d’environnement comme en matière de trafic urbain. Par ailleurs, cette baisse de la congestion a permis aux transports en commun de se développer par un nombre accru d’utilisateurs.

Göteborg est un autre exemple réussi d’implantation de péage urbain. Avec une facture légèrement moins chère que celle de Stockholm, la baisse de la voiture a été particulièrement significative dans cette ville également. En parallèle, l’utilisation des transports en commun à semble-t-il augmenté de manière particulièrement notable.

Milan et Florence : une réussite globale de gestion de trafic

Le péage urbain de Milan, en Italie, a été conçu avec les mêmes objectifs qui ont été évoqués dans les villes précédentes. Et dans cet exemple encore, les ambitions semblent avoir été tenues. La pollution ainsi que la congestion urbaine ont connu une belle diminution à l’échelle de la ville, alors que les transports en commun accueillaient ici aussi davantage de personnes. Pour appuyer cette lancée, le péage urbain n’est par ailleurs pas contraignant pour les utilisateurs de véhicules électriques : ceux-ci peuvent en effet le traverser et se rendre gratuitement dans le centre-ville.

Dans d’autres villes italiennes, notamment à Florence, l’accès au centre-ville n’est envisageable qu’à travers des autorisations spécifiques qui permettent de conduire dans le centre historique. En l’occurrence, le montant de cette autorisation s’élève à 15 euros pour 3 jours de circulation.

À travers ces brefs exemples, dont la liste n’est pas exhaustive, nous comprenons bien qu’installer un péage urbain n’est pas si simple que ça, en particulier si les ambitions sont multiples. Le projet proposé par la Ministre des Transports semble certes tout à fait louable, surtout si l’objectif est en effet de réduire la pollution atmosphérique et de réduire la congestion locale. En plus de cela, un gain économique peut tout à fait être envisagé, comme c’est la cas à Oslo ou même à Londres.

Il est toutefois de bon ton de faire très attention au contexte dans lequel s’inscrivent les villes françaises, et d’analyser en détails les bons et les mauvais ressorts des péages urbains déjà existants.

Si l’ambition française est d’intégrer une démarche environnementale, n’oublions pas dans un même temps d’y introduire l’aspect social, voire économique d’une telle démarche. N’oublions pas de contrebalancer cette exclusion des voitures polluantes avec une offre de transports en commun qui permette à tous de profiter des centres d’agglomération de la meilleure des manières. À Paris, le réseau de métro est l’un des plus dense du monde, et l’ensemble de la capitale est très bien desservi. Mais sa très faible accessibilité pour les PMR, ainsi que son prix parfois largement décrié le rendent finalement plutôt discriminant socialement. En fin de compte, l’intégration d’un péage urbain dans ce contexte ne pourrait pas se suffire à lui même.

De la même manière, dans les autres villes du pays, la création d’un péage urbain nécessite la prise en compte d’un système global qui régit la collectivité. Si les objectifs de dépollution peuvent en effet être atteints grâce à la baisse du nombre de voitures, une exclusion sociale peut effet voir le jour ou bien être accentuée dans certains cas.

L’impulsion de la Ministre des Transports est donc en somme tout à fait louable dans le cadre de la transition énergétique. Mais elle doit donc être également être accompagnée d’une réflexion très complète sur les enjeux, les forces et les faiblesses de chacune des villes qui souhaitent mettre en place un péage urbain. Essayons donc de rester patients, de ne pas griller les étapes et d’engager les mesures nécessaires lorsque l’on sera certain de la durabilité des projets. Espérons donc que cette initiative permette à l’avenir de participer à un développement de nos villes plus responsable environnementalement, socialement et économiquement.