C’est un MIPIM un peu particulier cette année, marqué par une crise de l’immobilier et plus largement du logement. Pouvez-vous nous expliquer la nature de la crise actuelle et comment Lyon y fait face ?

Grégory Doucet : La crise actuelle est multifacette, débutant avec une hausse des taux d’intérêt et des coûts des matériaux, exacerbée par une certaine réticence des banques à prêter. Il est important de le poser de cette façon, car contrairement aux crises précédentes, tous les acteurs de l’immobilier ne sont pas touchés de la même manière. Par exemple, le secteur de la construction à Lyon connaît une forte accélération, particulièrement dans la rénovation des logements. En 2023, nous avons vu près de 5 700 logements rénovés, contre moins de 3 000 les années précédentes. Cela signifie qu’il y a une décorrélation entre la promotion et la construction qui n’existait pas précédemment. Après, bien évidemment, si la crise dure trop longtemps, peut-être que la construction souffrira aussi, mais on n’en est pas encore là.

De quelle manière la ville de Lyon s’attaque-t-elle à ces défis ?

Grégory Doucet : En tant que maire d’une ville en transformation, que ce soit dans l’espace public, mais aussi dans son parc immobilier, je suis à la fois très attentif à ce contexte et recherche des solutions concrètes, sans avoir la main sur les décisions de la Banque centrale européenne.

Nous avons donc pris des mesures concrètes à notre niveau, notamment en augmentant massivement les ressources du logement social, avec un budget de 34,5 millions d’euros voté dès le début du mandat, et en facilitant la rénovation énergétique pour les petits propriétaires. Nous avons également déplafonné, il y a quelques mois, le montant des aides attribuables aux opérations de logement social. Concrètement, on va mettre plus d’argent public sur un nombre limité d’opérations, ce qui permet de réussir à les faire sortir. Parfois, c’est même en rachetant des lots qui sont construits initialement pour y construire des logements privés libres, mais qui deviennent, avec notre soutien, du logement social.

Pour autant, nous ne travaillons pas uniquement avec les opérateurs du logement social pour construire de nouveaux bâtiments. Nous collaborons aussi en faveur de projets portés par des promoteurs privés, en faisant du logement mixte au global. C’est aussi une façon de soutenir le secteur, en créant à la fois du logement libre et du logement social. Ainsi, on s’assure que le secteur privé, qui souffre de cette crise immobilière, trouve un matelas pour continuer à répondre à ses missions d’intérêt général, à savoir créer du logement.

​​Mon objectif en tant que maire, c’est que les gens puissent se loger en ville. Nous avons donc aussi travaillé avec la Métropole sur le sujet des appartements meublés dédiés au tourisme afin d’accentuer la pression et les contrôles. Il s’agit de faire en sorte que la réglementation soit non seulement établie, mais surtout strictement appliquée. Et cela fonctionne. Nous avons pu identifier un certain nombre de personnes qui abusaient du système.

En résumé, nous agissons sur différents leviers à notre niveau. Le dernier en date, c’est fin 2023, nous avons voté un budget de 500 000 € destiné à aider les “petits propriétaires” qui ont un appartement pour lequel ils n’ont pas les moyens de réaliser des travaux de rénovation thermique, ce qui les empêche de le mettre en location. De cette manière, ils peuvent s’engager dans ces travaux nécessaires, afin de remettre leur logement dans le marché de la location. Nous travaillons aussi à fluidifier le marché du logement en encourageant la mise en location des biens vacants. 

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Lyon se fixe pour ambition d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2030, en intégrant cette vision dans tous nos projets urbains, y compris dans le secteur immobilier. C’est le cas, d’ailleurs, d’un projet que l’on a présenté avec Redman, ICAD et l’architecte Frédéric Chartier . Il s’agit d’un projet de réhabilitation d’un, véritable joyau architectural de la ville de Lyon, la Tour Guillot-Bourdeix, ancienne Tour du Centre international de recherche sur le cancer. L’ambition est très forte : n’utiliser que des matériaux issus du réemploi, du biosourcé et du végétal pour un usage raisonné des ressources. Je pourrais aussi vous parler de la presqu’île que l’on va complètement remodeler. On est dans une étape de transformation pour une ville qui sera à la fois neutre en carbone, aussi plus adaptée aux changements du climat déjà à l’œuvre, d’autant plus à Lyon qui est une des villes qui se réchauffe le plus en Europe.

Tous ces objectifs liés à l’adaptation de nos villes contribuent à un autre objectif que nous nous sommes donnés avec ma majorité, celui de contribuer à faire de Lyon un milieu de vie favorable à la santé. En travaillant sur la qualité de l’air, la présence de la nature en ville et sur les modes actifs, la Métropole, elle, travaillant sur l’eau, on pose ensemble des briques pour réussir à composer un environnement urbain capable de prendre soin de chaque individu.

Comment réagissez-vous aux annonces, qui ont été faites par le Ministre, ici-même, au MIPIM, en matière de logement ?

Grégory Doucet : À mon sens, le gouvernement n’a pas de vision sur la question du logement immobilier. Je vais vous citer un exemple très concret qui, pour moi, en tant que maire et président du Conseil de surveillance de l’hôpital public des Hospices civils de Lyon, est une préoccupation quotidienne.  Nous avons besoin de solutions qui permettent aux fonctionnaires et aux agents du service public de se loger à proximité de leur lieu de travail, pour qu’elles n’arrivent pas au boulot en étant déjà épuisées par l’heure et demie de transport qu’elles viennent de subir. 

Avec cette question, nous avons là, un vrai élément de diagnostic partagé par tout le monde en France, dans toutes les villes, petites et grandes. Le gouvernement apporte-t-il une réponse ? Non. Or, cette vision de l’habitat du peuple, de la mixité, elle a besoin d’être transformée, justement, en une vision et en action concrète au service de nos populations sur les questions. À Lyon, nous nous efforçons de parvenir à trouver des solutions en investissant dans le logement social, en faisant évoluer le patrimoine des Hospices Civil de Lyon, pour le mettre à disposition de leurs professionnels, et en promouvant la mixité au sein de nos projets urbains. On cherche donc des solutions et l’on investit, à la différence du gouvernement.

Quelle est votre perspective sur la mixité sociale et le logement dans votre ville ?

Grégory Doucet : La mixité est au cœur de notre politique d’habitat. Nous ne voulons pas créer des ghettos de pauvreté, mais plutôt une ville dans laquelle tout le monde, quel que soit son revenu, peut vivre et interagir. Cela passe par une réflexion profonde sur la manière dont nous concevons l’habitat urbain, en veillant à ce que chaque projet contribue à la diversité et à la richesse de notre tissu social.

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