Justement, l’ambitieux plan climat 2017 de la ville de Paris a été présenté mardi 7 Novembre, et s’appuie en grande partie sur les apports de la COP21. Cécile Gruber, directrice de l’information et de la communication au sein de l’APC, analyse les enjeux ambitieux de la ville de Paris, et dévoile le secret d’une transition énergétique réussie et collaborative.

En termes d’efforts liés à la transition énergétique, comment se situe Paris par rapport à d’autres villes européennes ?

« Paris est une ville véritablement leader sur le sujet. C’est la première ville a avoir élaboré son plan climat en 2007, après avoir dans un premier temps réalisé son bilan carbone en 2004. Les premiers objectifs fixés par la ville étaient beaucoup plus ambitieux que les objectifs européens. Parmi ceux-ci par exemple, le défi de 25 % d’économie d’énergie d’ici 2020 est lancé. De la même manière, 25 % de réduction de gaz à effet de serre et 25 % de plus d’énergie renouvelable par rapport à 2004 sont également visés. Paris s’était donc déjà fixé des objectifs extrêmement ambitieux, qu’elle a même revus à la hausse en 2012, et maintenant encore en 2017. C’est donc vraiment une ville qui est à la pointe dans les mesures qu’elle propose.

La raison de cette ambition forte est particulièrement liée aux répercussions du changement climatique à Paris. Deux phénomènes y sont d’ailleurs bien caractéristiques, davantage marqués dans la capitale : La canicule et l’effet d’îlot de chaleur urbain. Ce qu’on constate, c’est que l’ampleur des canicules peut largement évoluer. Si aucune action sur des mesures d’atténuation des températures n’étaient mises en œuvre, on pourrait passer de 3 à 26 jours par an de canicule ! Donc ce sont des enjeux très forts pour la ville de Paris, mais elle est bien décidée à les atteindre. »

Le plan climat 2017, présenté mardi 7 Novembre, semble très ambitieux. L’un des objectifs est par exemple de supprimer les voitures à essence d’ici 2030. Un autre est de rendre la ville 100 % cyclable d’ici 2020… est-ce vraiment réalisable ?

« Aujourd’hui on se rend compte que tous les engagements qui ont été annoncés par les états signataires de l’accord de Paris ne couvraient en réalité qu’un tiers des actions qu’il fallait engager pour rester en dessous des 1,5°C fixés. Donc encore une fois, l’enjeu est énorme. Ce qui était prévu par la COP21 c’était justement que les ambitions et les engagements allaient être augmentés progressivement. C’est la raison pour laquelle le plan climat dévoilé cette semaine s’intègre vraiment dans cette logique d’ambitions fortes.

La deuxième chose dans laquelle ce plan climat s’inscrit, c’est que par rapport à la COP21, l’enjeu était d’acter la reconnaissance du rôle des villes et des acteurs non-étatiques dans le réchauffement climatique. Il y a 60 % de la population mondiale qui vit en ville et cette population émet à elle-seule 75 % des émissions de gaz à effet de serre. Il y a une urgence, et c’est très important d’avoir ce nouveau document dans lesquelles les ambitions sont plus fortes, afin de définir des trajectoires à suivre pour atteindre ces objectifs, et proposer par la suite un certain nombre d’actions. Il y a actuellement 500 actions, mais seulement 70 d’entre elles ne relèvent que de la capacité de la ville de Paris, c’est-à-dire que les objectifs à atteindre doivent aussi impliquer la globalité des acteurs, les citoyens, les entreprises… Il faut évidemment que tout le monde s’y mette, et pas seulement les administrations. »

N’y a t-il pas justement une certaine prise de conscience et d’initiative de la part des citadins ?

« La prise de conscience est bien présente. Tout le monde a bien conscience des faits liés au climat, et les événements extrêmes de cette année (tempêtes, inondations, sécheresses, crues) marquent vraiment les esprits de tous. L’important maintenant c’est de passer à l’acte. Et c’est ça qui n’est pas toujours évident, puisque ça implique de changer un certain nombre de comportements et d’habitudes, sans pour autant devoir les dégrader, malgré ce que peuvent penser certaines personnes. Il y a aussi un changement de culture qu’il faut amener, pour montrer qu’on peut agir et tendre vers les objectifs. Si les voitures à essence ont vocation à disparaître d’ici 2030 à Paris, l’enjeu derrière cette ambition c’est la santé des gens à travers une meilleure qualité de l’air. Et c’est en leur parlant des problèmes qui les touchent directement qu’ils se sentiront davantage concernés.

Un des secteurs sur lesquels il va falloir travailler, c’est également la rénovation des bâtiments. La ville de Paris a annoncé 1 million de logements à rénover d’ici 2050 si on veut maintenir nos objectifs. Mais rénover un logement, ça se fait entre 3 et 5 ans, parce que plusieurs décideurs sont sollicités, et les démarches sont très longues. Une étude a récemment été faite qui montre qu’à la question « quel grand chantier devrait être effectué en copropriété ? », 31 % des personnes interrogées évoquent la rénovation énergétique du bâti. Donc il y a là aussi une conscience très forte à ce sujet. Il faut bien sûr que par la suite, nous puissions accompagner tout le monde dans ce processus long et qui fait intervenir une multitude d’acteurs, pour que par la suite chacun ait les clés en main. »

Quelles sont les petites actions qui seraient à portée de main mais qui ne sont pas encore mises en œuvres ?

« L’Agence Parisienne du Climat anime à l’échelle de la ville le « défi famille énergie positive », dont l’enjeu est d’accompagner les habitants, les familles à former des équipes qui s’assemblent pour réaliser un défi lors des 6 mois de la période de chauffe (entre Décembre et Avril). Le « jeu » consiste à réduire de 8 % la consommation énergétique sur cette période. Dans ce cadre, une petite équipe de l’Agence Parisienne du Climat va former les capitaines d’équipes en leur donnant des astuces (écogestes…) pour atteindre l’objectif.

L’objectif de 8 % fixé doit pouvoir motiver les gens, et en fait il se trouve qu’il est en général largement dépassé. Notre objectif à l’Agence c’est donc de démontrer que cette économie est possible, à travers les gestes du quotidien. Si tous les parisiens s’y mettaient, on pourrait économiser l’équivalent de la consommation des 4 arrondissements centraux de Paris ! Avec un léger changement d’habitudes, et l’application quotidienne des bons gestes, on peut très facilement économiser 25 % d’énergie ! »

Est-ce qu’il y a une initiative en faveur de la transition énergétique qui fait l’actualité et qui vous aurait particulièrement marquée ?

« Par exemple, il y a un « climathon » qui a été lancé le 27 Octobre pour mobiliser les jeunes, les étudiants et tous les citoyens à réfléchir sur des solutions innovantes pour adapter la ville aux changements climatiques. Ce sont des dispositifs qui permettent donc de mobiliser, d’intéresser les gens pour qu’il comprennent qu’ils peuvent faire quelque chose par eux-mêmes et pour eux-mêmes, accompagnés par des experts du climat et de l’énergie. Parce que maintenant, la balle est aussi dans le camp des citoyens ! »