Ce n’est plus un secret, la crise sanitaire et ses confinements successifs ont mis en lumière les manques de la ville contemporaine et perturbé le mode de vie des urbains au point que beaucoup de citadins, avec en tête les parisiens, ont préféré quitter la ville pour la campagne. Ainsi, dès l’annonce du premier confinement le 16 mars 2020, c’est plus d’un million de franciliens qui ont quitté la capitale pour s’établir à la campagne, certains durablement, et les confinements suivants n’ont fait que populariser la tendance. Les néoruraux adoptent alors de nouveaux modes de vie, parfois radicalement opposés à ceux qu’ils menaient précédemment.
Cependant, la néoruralité ne séduit pas tout le monde. Nombre de franciliens, s’ils apprécient grandement le retour à la nature et le sentiment d’un quotidien moins stressant, ne souhaitent pas pour autant rompre avec la vie citadine, qui est encore celle de leur travail, de leurs loisirs et de leur réseau d’amis. Aussi, ils coupent la poire en deux : 3 jours à Paris, 4 sur la côte bretonne ; un appartement dans le 7ème arrondissement, une nouvelle maison à Carnac. Un pied dans la capitale, un pied dans la campagne, on les surnomme les bi-résidentiels.
En 2019, environ 3,5 millions de logements étaient déjà des résidences secondaires, soit près de 10% du parc total des logements en France et on estime que 30 à 50% des personnes habitant un immeuble disposaient d’une villégiature. Mais si les français étaient déjà les champions du monde de la résidence secondaire, la tendance a augmenté de manière exponentielle ces 15 derniers mois. Par exemple, on estime que plus de 112 000 maisons de campagne, situées dans des propriétés agricoles, ont été vendues en 2020, avec une hausse des prix du marché en moyenne de +6,4%. Les franciliens se sont particulièrement rués sur les départements proches de Paris : +35 % d’achat dans la Somme, +30% dans l’Yonne et +24% dans l’Orne. Et ce qui est marquant, c’est qu’un tiers des nouveaux propriétaires souhaitent y vivre à temps partiel. Ce à raison d’au moins 4 jours par semaine grâce au télétravail, de quoi se demander lequel des deux logements est la résidence principale.
Ainsi, s’il n’est pas nouveau, le besoin de ruralité s’est considérablement affirmé pendant la crise sanitaire et le développement de nouveaux modes de vie comme la bi-résidence transforme la campagne. Tendance des rénovations, déploiement de la fibre, explosion des trajets pendulaires en train et covoiturages, la bi-résidence insuffle de nouvelles urbanités et réinterroge des problématiques urbaines anciennes telles que le retour des petits commerces en centre-bourg, la réduction des zones blanches ou le renouveau des fermes collectives.
Les bi-résidentiels semblent s’installer durablement dans leurs nouvelles habitudes, les territoires anciennement désertés s’en trouvent redynamisés et ce sont les anciens ruraux qui le notent en premier. Les franciliens cherchent le contact et rencontrent leurs voisins, ils s’investissent dans la vie de village, s’inscrivent dans des associations et fondent même de nouveaux réseaux. À ce titre, la nouvelle plateforme Xurbain (contraction d’exode et d’urbain) tend à faciliter la rencontre entre les néoruraux et l’agence d’architecture Mamja planche actuellement sur un projet de pied à terre partagé économique. Les résidences secondaires sont bien plus régulièrement occupées et les habitants militent pour la transformation de leur nouveau territoire. L’implantation de cinémas, de crèches et de commerces locaux et biologiques est en tête de liste, de quoi satisfaire bi-résidentiels et ruraux.
Mais derrière ces nouveaux parcours bi-résidentiels se cachent des problématiques locales que l’on ne peut ignorer : augmentation des prix du foncier et des loyers, incapacité des locaux à se loger, saturation des aménagements urbains… Un équilibrage territorial doit donc être trouvé pour que les tensions entre anciens et néoruraux soient minimes.