Communément, une ville étudiante accueille une université, une école d’études supérieures ou une partie de celles-ci. Depuis quelques années, il est courant de voir publier de nombreux classements sur les villes les plus accueillantes pour les étudiants. L’un d’eux est réalisé par QS Top Universities qui met en évidence un top des villes étudiantes à l’échelle mondiale. Si Londres, Boston, New York et Singapour accueillent les meilleures universités étudiantes selon celui-ci, d’autres villes tirent leur épingles du jeu pour le cadre de vie des étudiants !



Ainsi, une ville est en tête de tous les classements : il s’agit de la ville de Londres ! La capitale anglaise en plus d’être le fief des meilleures universités du monde et aussi première pour son cadre de vie ! Derrière on retrouve Tokyo, Melbourne, Montréal, Paris. Leur dénominateur commun ? Des villes de taille importante, et aussi très internationales, multiculturelles, donc plus accueillantes pour les étudiants étrangers !



Quand les étudiants arrivent en ville !



Au-delà de cette sorte de compétition qui offre une bonne réputation aux villes, car souvent preuve d’un dynamisme; ce référencement reflète aussi un mode de vie urbain particulier. En effet, de part leur présence, la population étudiante transforme la ville.



D’abord parce que les étudiants peuvent représenter dans certains centres-villes une part très importante de la population, influençant de fait la vie des quartiers. Dans les grandes villes anglaises, les étudiants représentent en moyenne 54% des nouveaux habitants qui s’installent en centre-ville !



Une part significative, d’autant plus pour l’économie de la ville puisque les étudiants sont des habitants actifs économiquement puisqu’ils sortent, consomment et dépensent dans les cafés, bars, clubs… et y travaillent aussi. De nombreux petits jobs ou emplois à temps partiels sont occupés par des étudiants les soirs et les week-ends notamment. Ils ont donc un effet très positif pour l’économie des villes !



Au delà de l’impact économique, dans ces villes, on retrouve généralement des quartiers dits “étudiants” car ils concentrent leur présence. Ces derniers ont un fort accent cosmopolite, puisqu’une grande partie des étudiants viennent d’autres villes, d’autres pays ou effectuent des échanges entre universités. Ces lieux de la ville deviennent donc internationaux et multiculturels. Ils peuvent aussi être plus bruyants que d’autres quartiers, notamment le soir. Car oui, les étudiants sortent, le soir, après les cours, ce qui dynamise souvent en soirée ces quartiers de la ville. Les morceaux de ville associés à la vie estudiantine bénéficient donc d’une réputation active, créative, festive. Ce sont des lieux dynamiques, qui peuvent attirer au delà des étudiants, tous les habitants, parfois même jusqu’à modifier le quartier, par une forme de gentrification.



Studentification : la gentrification made in “students” !



Le professeur de Géographie à la Loughborough University, Darren Smith, a mis en avant la studentification, une forme de gentrification mais étudiante. Dans ses travaux, il démontre que les étudiants sont une population plus adaptable, malgré son manque de ressources. En effet, ils peuvent s’installer dans des logements avec une marge de prix plus grande que pour d’autres ménages, grâce à la colocation notamment. Cela les rend plus adaptables que les familles et certains loueurs en profitent pour faire monter les prix, excluant des ménages à faibles revenus



A la différence de la gentrification, qui est (pour caricaturer) le remplacement d’une population pauvre par une plus riche, la studentification est une concurrence entre deux populations précaires, mais avec des caractéristiques différentes. La population étudiante à la recherche de logements à bas coût va influer sur les quartiers à la fois aux prix les plus bas et les plus centraux . Cela peut avoir comme conséquence le remplacement d’une population précaire, et bien qu’il est vrai que les étudiants sont aussi en difficulté avec peu de moyens, ils s’adaptent plus facilement au quartier. Ce qui explique ce phénomène.



De plus, les étudiants sont souvent associés à une population transitoire, ce qui peut avoir des effets négatifs ! Les étudiants sont moins concernés par les services de quartier que les familles, moins regardant aussi sur l’état de certains logements, ce qui peut contribuer à leur détérioration plus rapide. Enfin, les étudiants peuvent rapidement changer de quartiers, de villes, et sont peu présents durant l’été. En résumé, ils possèdent moins d’attaches avec le lieu. Cela peut avoir des conséquences sur la vie de quartier, notamment en entraînant une disparition de services de proximité pour les personnes âgées ou les familles.



La studentification peut aussi précéder une gentrification par des ménages plus aisés, voire même par les étudiants eux-mêmes, qui une fois entrés dans le monde professionnel s’installent pour une longue durée dans ces quartiers abordables, ce qui démarre alors une autre dynamique dans ces quartiers.



Les étudiants, premiers utilisateurs de transports en commun



Au delà des quartiers et des logements, les étudiants ont aussi une influence sur les transports en ville ! En effet, les étudiants utilisent presque exclusivement les transports en commun, ce qui oblige les villes à fournir un réseau important pouvant subvenir à leurs besoins.



De plus, l’installation des universités et des arrêts de trams ou de métro sont intrinsèquement liés et interdépendants. Les villes pensent la position des campus et des lieux universitaires selon le réseau de transport, et inversement. Dans les villes moyennes étudiantes cela ressort davantage, comme à Caen, où le tram dessert en grande partie les campus de la ville, et Rennes où le métro possède comme terminus le quartier universitaire de Villejean.



Les étudiants, des habitants en devenir ?



On le voit, les étudiants, par leur présence et leur mode de vie, transforment les villes où ils s’installent. Des effets bénéfiques aux négatifs, ils diffusent une culture urbaine qui leur est propre et qui fait souvent la réputation de certaines d’entre-elles. Des enjeux restent prégnants, comme le logement étudiant. Des solutions sont pourtant à imaginer, comme l’utilisation de conteneurs comme lieu d’habitation qui a lancé une nouvelle approche architecturale ! Ce qui est certain, c’est que chaque étudiant est aussi marqué par cette expérience émancipatrice dans les villes qui l’ont accueilli, souvent différentes de celles qui les ont vu grandir.



L’université née dans les centres urbains, au cœur de la cité et de son dynamisme, a été écartée avec la mode des campus. On peut espérer qu’elle renoue avec la ville, que les liens entre étudiants et habitants seront de plus en plus riches, notamment de par les activités associatives des universités qui souvent apportent à l’ensemble des citadins.



Peut être que demain les étudiants seront, comme les habitants, des acteurs à part entière des villes ! Plus que par leur simple présence, ils peuvent s’impliquer davantage dans l’animation des quartiers et avoir un impact positif en initiant différents projets, à l’image des KAPS (Koloc à projets solidaires) de l’Afev qui propose des logements à loyers modérés à des étudiants en échange de projets solidaires avec les habitants des quartiers où ils habitent.