Dans ce cas, la motion de censure a très peu de chance d’aboutir à la démission du gouvernement (puisqu’elle nécessite que plus de la moitié de l’assemblée l’approuve). Elle est néanmoins un moyen d’appeler celui-ci à s’expliquer dans des séances dédiées au sujet.

Chez Lumières de la Ville, l’équipe s’est posée la question, existe-t-il des équivalences à ce recours dans les communes. Existe-t-il une motion de censure envers le maire ? Des habitants peuvent-ils faire démissionner ceux qui dirigent leur ville ?

Quel est le pouvoir actuel du citoyen ?

Le citoyen s’exprime dans sa ville une seule fois : lors de l’élection municipale, durant laquelle il élit le conseil municipal qui dispose d’une taille proportionnelle à la population de la ville, allant de 7 conseillers pour les plus petites communes (moins de 500 habitants) à 69 pour les communes de plus de 300.000 habitants. Cas exceptionnel pour les 3 plus grandes villes de France, Lyon, Marseille et Paris qui ont respectivement 73, 101 et 163 conseillers !

À la manière de l’assemblée, pour les communes de plus de 1000 habitants, le scrutin est proportionnel, le conseil municipal est composé des différentes listes selon leur score. Pour les communes de moins de 1000 habitants, qui représentent tout de même la majorité des communes (plus de 50% des communes françaises ont moins de 500 habitants), le scrutin est majoritaire, la liste qui remporte le plus de voix est celle qui compose l’ensemble du conseil municipal.

Le fonctionnement de la gouvernance communale diffère donc de celle de l’État, si l’on considère le maire comme l’équivalent du président et le conseil municipal comme l’assemblée. En effet, leurs élections ne se déroulent pas de la même manière. Dans une commune, on n’élit que le conseil municipal et celui-ci élira ensuite le maire et ses adjoints.

Mais si demain un membre de l’équipe d’une mairie se retrouvait dans un scandale, les habitants pourraient-ils le destituer ? Il existe bien sûr la possibilité de démissionner volontairement de son poste d’élu, cela est courant et pour des raisons diverses. Lors de nos recherches sur les démissions des maires, nous avons été surpris du nombre important d’entre-eux qui quittent la fonction, parfois pour des raisons santé, mais aussi pour des difficultés de gestion ou des affaires judiciaires. Les conflits entre conseil municipal et maire sont nombreux, ce qui contraint certains à accepter leur démission pour permettre à leur ville d’être gouvernable. Mais, même si les conseillers bloquent des séances ou que les habitants se mobilisent, ces derniers ne peuvent cependant pas contraindre leur maire à la démission… Rien ne leur permet de le destituer, tout comme ce dernier ne peut pas dissoudre le conseil municipal.

À la différence donc de l’assemblée et du gouvernement qui peuvent mutuellement se destituer/dissoudre (même si cela reste rare), dans une commune, le conseil municipal et le maire ne peuvent rien les uns envers les autres.

Alors comment garantir plus de pouvoir aux citoyens ?

Dans le cas où un maire continue à tenir sa fonction, malgré des affaires judiciaires ou un blocage du conseil municipal, vraiment rien n’est possible ? Une solution existe bien mais n’a été appliquée que 3 fois sous la Ve République : c’est l’article L2122-16 du Code général des collectivités territoriales. Il s’agit tout simplement de demander la destitution du maire au Président de la République ! Il est le seul à disposer du pouvoir de destitution d’un maire. Il faut pour cela obtenir un contact avec un ministre ou directement avec le Président, et demander par décret ministériel la destitution du dit maire. Cela reste donc exceptionnel, et pour que des habitants d’une commune puissent réussir à interpeller le sommet de l’Etat, il faudrait mobiliser largement l’opinion publique et les médias !

C’est pourquoi, de nombreux citoyens cherchent aujourd’hui à s’impliquer davantage dans la vie politique. Car aujourd’hui, l’implication habitante et le principe démocratique reste la seule solution de contre-pouvoir pour les citoyens, en permettant à chaque élection de changer la gouvernance de sa commune. Cependant, les habitants peuvent tout à fait aller plus loin et mettre en place une gouvernance participative comme à Saillans.

D’autres villes adoptent déjà des instances pour faire davantage participer les citoyens de leur commune, comme par exemple à Ermont, où le Conseil du développement durable et solidaire, présidé par M. le Maire, est composé de 17 archi-citoyen(ne)s. Âgés de 15 ans à 65 ans, issus de tous les quartiers de la ville, ces habitants ont choisi de s’investir pour participer à la construction de l’avenir du territoire aux côtés de la Municipalité. En participant à ce conseil, ils peuvent ainsi aborder différents sujets et dialoguer avec les élus. D’autres villes impliquent la jeunesse avec des Conseils municipaux de Jeunes, de véritables assemblées de citoyens qui permettent de transmettre leurs aspirations à la mairie. C’est le cas par exemple à Aubervilliers, où le Conseil municipal des jeunes constitue un véritable lieu d’apprentissage de l’engagement individuel et collectif ainsi que de la démocratie, car il apporte aux jeunes élus une connaissance de la vie locale et de ses institutions.

On peut aussi imaginer un fonctionnement de tirage au sort de conseillers municipaux parmi les habitants d’une ville, à l’image de Ma voix, un mouvement citoyen qui souhaite hacker l’assemblée nationale. Des citoyens pourraient ainsi être présents et décideurs au sein des conseils municipaux pour s’impliquer à tour de rôle dans la vie de la commune et prendre des décisions au nom de tous.

En tout cas, différentes possibilités semblent s’ouvrir avec des méthodes de participation citoyenne de plus en plus innovantes. Pour le futur de la gouvernance municipale, la démocratie participative pourrait devenir un modèle dominant car l’échelon de la commune reste à taille humaine pour l’implication active des habitants. Les villes de demain verront peut-être naître de nouvelles formes de démocratie et de citoyenneté qui donneront toujours plus de places aux habitants et à une urbanité partagée !