Jean-François Martins est l’adjoint à la Mairie de Paris, chargé de toutes les questions relatives au sport et au tourisme. Nous avons rencontré Jean-François Martins à la suite d’une conférence sur “La place des habitants dans l’implantation d’équipements sportifs dans le cadre d’événements internationaux” au cours de laquelle il est intervenu. Une thématique qui le concerne tout particulièrement avec la candidature de Paris pour l’organisation des JO ! Quelle vision de la ville pour Jean-François Martins ?

Vous êtes chargé du tourisme et des sports à la Mairie de Paris, en quoi ces thématiques contribuent à faire la ville de demain ?

Ce sont, à vrai dire, deux enjeux assez différents. D’abord, le sport est fondamental pour maintenir une présence familiale à Paris. Il fait partie des besoins de service public qu’une ville doit apporter au même titre que la culture ou l’éducation.

Le sport est aussi évidemment un enjeu de santé publique, un enjeu éducatif. Nous devons donc être capables de mailler la ville. Aujourd’hui, à Paris comme dans d’autres villes, nous sommes face à un défi de densité. En parallèle, les équipements sportifs prennent énormément d’espace. Nous devons donc trouver un moyen de concilier l’augmentation démographique actuelle et le besoin d’équipements sportifs dans un espace restreint.

Ce sont de vrais enjeux urbains aujourd’hui auxquels on essaie de répondre à la fois par l’hybridation de lieu, par la concentration mais aussi par la compacité des sites sportifs. D’abord en essayant d’avoir des complexes plus intégrés. Ensuite, en transformant la ville en terrain de sport. C’est l’objectif d’un de nos projet entre place de la Nation et Stalingrad. Nous allons aménager le premier parcours de running, qui sera jalonné d’espaces d’étirement, de douches ou encore de casiers. Face au manque de mètres carrés, c’est l’espace urbain lui-même qui va devenir le lieu sportif.

En ce qui concerne le tourisme, c’est un peu l’inverse. Le tourisme est la première industrie parisienne, et en plus, c’est une industrie non délocalisable. C’est une bonne nouvelle!
Notre enjeu dans ce domaine est de construire des lieux d’emplois, d’activité économique parce que le tourisme c’est avant tout ça à Paris ! Mais le défi ici est de créer une activité économique importante, sans créer de tensions urbaines. Il ne faut pas que les parisiens aient ce sentiment d’exclusion comme à Barcelone, où les habitants ont manifesté contre le tourisme. Nous ne voulons pas de les parisiens soient envahis par ce sentiment d’invasion des projets hôteliers et d’attraction touristique en général, qui chasse les habitants du cœur de ville. Pour cela, nous travaillons au maximum avec les hôteliers et les éléments touristiques existants dans notre ville. Nous valorisons également les lieux plus ouverts et plus en lien avec les services attendus par la population locale.

Que pensez-vous des plateformes de location courte durée, telles que Airbnb, actuellement accusées de vider Paris de ses habitants ?

Nous avons une doctrine assez simple : les plateformes de location de courte durée doivent être réservées à la résidence principale. C’est de l’habitat résidentiel qu’on prête, qu’on loue pendant quelques jours, quelques semaines. Mais la vocation première de ces logements ne peut pas être le meublé touristique. La vocation première de l’habitat à Paris doit être de loger des gens qui ont besoin de travailler à Paris, qui ont besoin de vivre à Paris et pas d’hôtelliser le parc résidentiel locatif.

La loi nous aide à répondre à cela. D’abord, l’interdiction à la location de plus de 120 jours par an a été mise en place. Ensuite, nous avons obtenu grâce à la loi Lemaire, ce qu’on appelle le numéro unique d’enregistrement. Maintenant, chaque propriétaire qui met son bien en location sur Airbnb sera obligé d’afficher un numéro unique d’enregistrement. A partir de celui-ci, et du développement de nos outils technologiques, nous serons capables de contrôler ce marché. Face à un combat technologique, nous devons répondre avec des outils technologiques. A partir de cela, nous pourrons ensuite aller faire des contrôles et des interventions dans les logements que l’on pense être loués plus de 120 jours par an.

Quel visage imaginez vous pour la ville de demain ?

Pour moi, la ville de demain est beaucoup moins spécifiée et spatialisée. La ville de demain est hybride. Chaque bâtiment sera à la fois un espace d’activité, un espace de logement et un espace de logistique urbaine. Les fonctions vont se mêler pour sortir de cette logique bâtiments d’habitation, bâtiments d’activité, bâtiments d’équipements publics.

Cette mixité fonctionnelle devra d’ailleurs s’effectuer de manière assez verticale pour être conforme à la réalité des usages de la ville et pour répondre à un enjeu auquel nous essayons de répondre, la construction de villes sobres, notamment en matière énergétique. Pour cette raison, nous cherchons à diminuer les transports en ville, à diminuer la consommation d’énergie et notamment à mutualiser toutes les fonctions mutualisables.

La ville de demain, hybride et sobre, devra aussi être intelligente par définition. Cette hybridation des activités crée énormément de complexité dans l’exploitation des lieux. Quand vous avez un ensemble immobilier à gérer avec deux locataires c’est facile. Demain, vous aurez une crèche au rez-de-chaussée, un espace de coworking au premier, des logements et pourquoi pas en sous-sol une recyclerie de valorisation de déchets urbains avec, sur le toit, une ferme urbaine. Cela crée un niveau de complexité important qui va nous demander une utilisation de big data, de solutions innovantes pour que les usagers et la ville puissent piloter l’ensemble urbain avec un peu de prévision et un peu d’adaptabilité.