Qui n’est pas fasciné par les ponts ? Qui ne trouverait pas incroyable d’enjamber un ruisseau, une rivière, un lac, une route ou même une voie ferré grâce à un simple pont ?
Le pont reste peut être la plus primaire mais la plus ingénieuse invention de l’homme. Celle qui a permis aux hommes de se rencontrer, de faire la paix et de s’unir.
Ma première expérience avec un pont (phrase interprétable à souhait mais véridique) fut celle d’un pont enjambant un jeune ruisseau dans la Loire. Mon père nous avait emmené, mon frère ma sœur et moi, voir la rivière de son enfance dans sa ville natale.
A 4 ans quelle ne fut pas ma surprise de voir que ce petit pont de bois de 2 mètres, traverser un ruisseau, lui même 2 fois plus petit. Moi même je pouvais traverser à pied ce ruisseau, ici je n’en voyais pas l’utilité mais trouvais l’idée particulièrement futée.
Je m’affairais alors à traverser, passer et repasser sur ce pont. M’arrêtant au milieu pour apercevoir un poisson dans le ruisseau. Ce pont était devenu en l’espace de deux heures la plus belle chose que j’avais vue.
Emerveillement innocent qui ne m’a pas quitté.
Car 15 ans plus tard me voilà débarquant à Paris pour faire du cinéma mon métier. Ici, je ne peux m’empêcher de traverser les ponts, de passer et repasser par certains d’entre eux. Essayer d’apercevoir un poisson dans la Seine ? J’oublie.
Et puis le temps faisant, ma passion d’enfant s’évanouie, tracassé par d’autres soucis.
Dans la vie citadine on oublie que l’homme a construit des ponts et que nous les traversons. Quelle tristesse de se retrouver alors sur un pont et de ne pas y penser. Voir pire, de le traverser et de ne même pas savoir que nous l’avons fait.
Heureusement je ne suis pas le seul à éprouver de l’amour pour les ponts. Et nombre de réalisateurs ont rendu hommage à la plus noble invention de l’humanité et me rappellent dans chacun de leur film, mon premier amour.
Je n’étais pas encore né lorsque deux grand monuments américains se sont rencontrés : Sergio Leone et le Manhattan Bridge.
Lorsque je fus assez grand pour découvrir sur VHS « Il était une fois en Amérique », je ne pouvais pas croire à la réalité de ce monument. Quelle splendeur au milieu d’une ville, quelle élégance, loin très loin du petit pont de bois…
Je n’espérais alors qu’une chose, que cette vue ne soit pas fabriquée par le cinéma en studio. Et Leone m’a comblé, non seulement elle était réelle mais il a réussi à sublimer cette vue depuis Brooklyn en la mettant au cœur de l’action dramatique. Quelle émotion, quelle tension avant cette scène fatidique, avant le meurtre lâche du petit Dominic. Devançant ses camarades avec toute l’innocence de ses 9 ans, face à l’immensité du Manhattan Bridge, il illumine la séquence par son pas de danse devenue mythique, le tout soutenu par la vibrante musique d’Ennio Morricone.
Si l’émotion provoquée en moi à la vue du Manhattan Bridge était immense, que dire de celle ressentie à la vue du Golden Gate Bridge de San Francisco. Un pont gigantesque, qui est devenue au cinéma le symbole de l’arrogance de l’homme.
D’ailleurs, il s’agit du pont le plus détruit au cinéma. Même le Brooklyn Bridge situé à New York n’a pas connu autant de destructions. Il est intéressant de constater que nos cinéastes se sont souvent employés à faire détruire le pont par une force toujours plus évoluée que l’homme, des créatures marines, des extra-terrestres ou des Robots.
Le premier film dans lequel le Golden Gate Bridge apparaît est « It came from Beneath the Sea », littéralement « Le monstre vient de la mer » en 1955.
Et pour sa première apparition en tant que star d’Hollywood le pont y est détruit par une pieuvre géante. Notons les effets spéciaux plutôt réussis pour l’époque (ici la version est colorisée).
Depuis cette époque le cinéma a beaucoup fait tourner cette star de la côte ouest, du maitre du suspens dans « sueur froide », jusqu’aux superstars des « Xmens », on ne compte plus le nombre de films au sein desquels le pont est représenté.
Et dans tout cela, nos ponts français font bien pâles figures. Bien qu’ils soient bien présents au cinéma, ils sont bien plus souvent symboles de romantisme que de gigantisme.
Notamment le Pont des Arts qui tire son épingle du jeu et qui est représenté dans pas moins d’une quinzaine de films français.
Si le Pont des Arts est le plus représenté dans le cinéma français, il l’est aussi à l’international. On se souvient tous de la scène finale entre Mister Big et Carrie Bradshow dans la série à succès « Sex in the City » qui a mis en émois des millions de téléspectateurs ou encore dernièrement au cinéma dans « Insaisissable » avec Morgan Freeman et Mélanie Laurent.
J’ai toujours fait un parallèle entre les ponts et les films.
Voilà une des raisons pour lesquelles je suis fasciné par les deux :
Comme les ponts, les films ont un début et une fin, comme eux ils tissent des liens, rapprochent les peuples et nous permettent de contempler le monde.
Jonathan Demayo est scénariste de profession, il a collaboré à différents projets notamment pour M6, W9 et Canal+. Après avoir étudié l’économie du cinéma à l’université Sorbonne Nouvelle Paris III et Paris Dauphine, Jonathan se tourne vers l’écriture. Il est également auteur et metteur en scène de plusieurs pièces de théâtre à Paris.