Le Corbusier, qui imposait à ses projets des dimensions issues des mesures du corps humain, intègre dans sa vision de l’architecture l’idéal humain, déjà évoqué par Vitruve, et l’idéal de ses dimensions comme une porte vers le secret d’une conception divine. Mais au-delà même de l’architecture, les éléments qui font la ville (parcs, centre-ville, universités…) semblent eux-mêmes être les organes d’un système plus complexe et complet que le simple domaine de l’architecture : le centre de la ville, son cœur, pourrait par exemple être assimilable à notre muscle palpitant…

Mais n’est-ce qu’une impression ? Un effet de style pour donner du sens aux éléments urbains ? Et si l’homme avait finalement sans s’en rendre compte construit la ville comme étant son propre reflet ? Ou même comme étant le reflet de son camarade vivant, genre d’animal de compagnie urbain ? Chaque jour, nous abreuvons la ville de notre présence, de nos activités ou de nos déplacements. Cette ville que l’on nourrit , cette ville qui grandit et se développe, qui noue des relations plus ou moins intimes avec certaines de ses semblables, ne serait-elle pas l’organisme avec lequel les citadins doivent se conjuguer pour instaurer une symbiose pérenne ? D’ailleurs, ne peut-on pas aujourd’hui parler de Tamagotchi urbain ?

Construire la ville pour une perfection éternelle

La ville, par définition, est le propre de l’Homme. Si les espèces animales ont su développer des systèmes complexes de sociétés organisées, comme les communautés de fourmis ou d’abeilles par exemple, l’existence même des cités telles que nous les vivons est caractéristique de l’organisation entre les Hommes. Pourtant, ces cités ont connu une évolution indéniable, dont le sens et l’origine conceptuelle se sont largement transformés au fil du temps.

Initialement, c’est en effet le désir de conférer à la culture humaine une forme d’éternité qui a justifié la construction de villes. Le sillon, l’enceinte dessinée pour Rome par exemple par le mythologique Romulus est bel et bien un acte de sanctuarisation, genre d’autel religieux et cultuel, qui sera le symbole d’une élévation, par la construction de la ville, vers un ciel alors tant mystérieux que chargé de symboles.

Cette construction symbolique des villes, de manière verticale est assimilée par certains comme une volonté de s’approcher des astres, à l’image d’une Tour de Babel dont l’objectif est non-seulement de rassembler des communautés, mais également d’apprendre les uns des autres dans un espace-temps en quatre dimensions. Comme un bras commun, levé par les citadins pour tendre vers un destin partagé.

Si cette construction commune s’est révélée au fil des temps comme étant le reflet culturel de la société qui l’a érigée, elle peut également refléter les plus grandes peurs, mais aussi les plus profonds désirs de l’Homme. En particulier, la question de la mort, et de la vie éternelle, qui animent tant les réflexions philosophiques et religieuses des Hommes en devient transposée à l’échelle de la ville : on souhaite rendre les villes divines et immortelles. Celles-ci se sont construites autour de leurs églises et de leurs cimetières respectifs, dont les flèches et les stèles pointent toujours plus haut. Plus récemment, par la tentative de la part de Le Corbusier de trouver des valeurs humaines idéales, transposables aux bâtiments et aux espaces de vie dans les villes, l’humanisation des cités devient davantage constatée, bien qu’elle soit encore peu abordée. Il semblerait par conséquent qu’à travers la ville, les Hommes veuillent eux-mêmes s’élever, et la construction de la cité serait donc symboliquement comparable à l’Homme qui se dresse.

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