Cette année, la 13e édition du festival Tokyo Tokyo s’intègre dans le cadre des Jeux olympiques organisés dans la capitale japonaise. Pour célébrer l’occasion, le gouvernement métropolitain, le Conseil des arts et le musée Watari-um ont invité des architectes et artistes japonais à créer des structures temporaires. Ces différents pavillons, dispersés autour du nouveau stade de Kengo Kuma, sont pensés comme une chasse au trésor ludique à travers les espaces urbains récemment réaménagés. Visite guidée des projets du « Pavilion Tokyo 2021 », exposés dans la métropole nippone cet été.

Le pavillon de thé « Go-an » de Terunobu Fujimori

« After all, I like heights. Not only can you see the entire tea house well, but from there you can also view the stadium. A tea house requires otherworldly characteristics. Instead of it just standing on the ground, it requires height. Once you climb up and enter through the narrow and dark crawl-in entrance, you see a completely different scenery. This effect is unique to tea houses”

(Terunobu Fujimori, source)

L’historien de l’architecture et architecte Terunobu Fujimori propose une réinterprétation du pavillon de thé traditionnel. Situé juste en face du stade, « Go-an » a une base recouverte d’herbe. Les murs extérieurs sont fabriqués en yakisugi, du cèdre carbonisé en surface pour augmenter sa résistance aux feux et aux intempéries.

La salle d’attente, première étape avant d’accéder au chashitsu (« pièce de thé ») est située au rez-de-chaussée. La porte dite « rampante » nijiriguchi de l’espace de thé traditionnel a été remplacée ici par une échelle grimpant au second niveau. Une fois pénétrer à l’étage, la vue sur le stade national se dévoile.

Le ruisseau « Suimei » de Kazuyo Sejima

« It can be said that Hama-rikyu is a garden that coexists with water. I thought about adding water into that scenery, to depict modern society. The winding stream looks as if it is still when viewed from a distance. But when you look at it closely, you realize that it is flowing quietly. This slowly flowing water represents the connection between the past, present and future. »

(Kazuyo Sejima, source)

L’architecte Kazuyo Sejima a choisi le jardin Hama-rikyu pour y implanter son pavillon. Elle souhaitait un endroit où il était possible de ressentir à la fois l’historicité et la modernité de la métropole de Tokyo. Ce jardin traditionnel, typique de la période Edo, contraste fortement avec le quartier de building voisins de Shiodome.

L’architecte a créé un ruisseau sinueux dont la forme est inspirée de cours d’eau construits dans les jardins japonais de l’ère Heian. Peu profond, le bassin est recouvert de miroir pour réfléchir le contexte environnant. Le titre « Suimei » 水明 se réfère à la lumière miroitant sur la surface de l’eau.

Les pavillons nuages de Sou Fujimoto

« It has an exterior but doesn’t have walls, yet an inner space exists. Moreover, the three-dimensional inner space is extremely complex and dynamic. Clouds cannot be realized with architecture, yet they make us feel like there is something architectural to them. »

(Sou Fujimoto, source)

Situé dans le parc de Yoyogi, juste derrière la gare de Harajuku, se trouve l’un des pavillons nuages de Sou Fujimoto. Le second est dans la nouvelle station de la Yamanoto Line, Takenaka Gateway. À travers ces deux installations, Fujimoto souhaite exprimer la diversité et la tolérance.

L’architecte avoue son admiration pour les nuages qu’il considère comme « l’architecture ultime qui enveloppe toutes sortes de choses ». La vocation de ces structures poétiques et pleines de légèreté est de proposer un « grand toit du monde » qui recouvre différents endroits en même temps.

Le « Global Bowl » de Akihisa Hirata

« These days, I think that the architecture we design should embody a ‘different dimension’ which pierces through the mediocre reality »

(Akihisa Hirata, source)

L’architecte Akihisa Hirata propose un « Global Bowl » géant en bois, sur l’esplanade de l’Université des Nations unies. La structure est composée d’une centaine de pièces de mélèze. Le gigantesque bol est poreux, floutant les frontières entre intérieur et extérieur.

Les visiteurs peuvent librement traverser l’ossature, y grimper, s’asseoir ou s’allonger dans ses courbes. Hirata a intentionnellement choisi un carrefour très dynamique dans l’idée de rassembler les gens.

L’auvent « Kokage-gumo » de Junya Ishigami

« I wondered if it would be possible to create an architecture that is new yet looked like it had always been there, which blended in with the historical landscape. »

(Junya Ishigami, source)

Le quartier de Chiyoda abrite la « Kudan House », une ancienne résidence construite en 1927 transformée depuis en espace artistique. Dans son enceinte, l’architecte Junya Ishigami propose un auvent en bois de cèdre calciné Yakisugi. Ishigami explique avoir utilisé cette technique pour donner un aspect vieilli au bois afin qu’il se fonde dans le paysage historique.

Les quatre-vingts larges pièces de bois qui composent la structure masquent les gratte-ciel environnants. La lumière traverse par rayons, oscillant entre l’ombre des arbres et le soleil de l’été. Nommée Kokage-guma, pour l’architecte « la structure noire de jais est l’ombre fraîche qui dérive entre les vieux arbres un soir d’été. »

Le théâtre de verdure de Teppei Fujiwara

« We can say that gardening is the smallest scale of order in a city like Tokyo. Through this pavilion, I want to present the story of the plants and streets in Tokyo »

(Teppei Fujiwara, source)

Teppei Fujiwara s’intéresse depuis longtemps aux arts du spectacle. Pour son pavillon installé à Shibuya, il a construit un « théâtre pour les plantes et les gens ». La structure ouverte en bois abrite des espaces où les visiteurs et les végétaux entrent en interaction.

Les jardinières contiennent des aloès, des ipomées, des hibiscus et d’autres espèces de plantes que l’on trouve généralement au bord des routes. L’architecte a la volonté de les mettre en lumière dans ce théâtre de verdure. Les rampes et plates-formes traversent la structure pour que le visiteur puisse apprécier le monde végétal qui l’entoure.

Les châteaux impermanents de Makoto Aida

« What I want to emphasize is the opposite of permanence—temporariness, unreliableness, paltriness—as well as the bravery in trying to withstand such characteristics. I’ll never know what the outcome will be like unless I try creating it. Sink or swim, I will try. I want to dedicate the outcome to Japan of today—or more specifically to Tokyo ».

(Makoto Aida, source)

L’artiste provocateur Mokoto Aida lance un message fort avec ces châteaux miniatures. Ils sont construits volontairement avec des matériaux peu solides — l’un est en carton et l’autre en bâche bleue — souvent utilisés par les sans-abris ou après une catastrophe naturelle.

Les structures impermanentes symbolisent la résilience des êtres humains, en solidarité avec les personnes touchées par ces deux phénomènes. C’est aussi une critique de la société actuelle qui favorise les matériaux lourds. Depuis 1995, l’artiste emploie souvent ces deux matériaux dans ces installations pour souligner l’impermanence.

La salle d’oblitération de Yayoi Kusama

« For example, by covering my entire body with polka dots, and then covering the background with polka dots as well, I find self-obliteration. Or I stick polka dots all over a horse standing before a polka-dot background, and the form of the horse disappears, assimilated into the dots. The mass that is ‘horse’ is absorbed into something timeless. And when that happens, I too am obliterated. »

(Yayoi Kusama, « Infinity Net: The Autobiography of Yayoi Kusama », 2002)

Le dernier volet de la série « The Obliteration Room » de Yayoi Kusama est à découvrir dans un immeuble banal du quartier de Shibuya. Ce thème est récurrent dans le travail de l’artiste depuis les années 1960.

Comme pour ses autres installations, le projet démarre par une pièce complètement blanche. Durant l’exposition, les visiteurs ont la liberté de coller des pois colorés autocollants dans tout l’espace. C’est la première fois que cette série Oblitération intègre aussi une partie avec des tatamis (washitsu).

Le musée Watari-um, partenaire du festival, propose une exposition du même nom PAVILION TOKYO 2021 qui retrace le processus de créations des différents pavillons. À travers les croquis, dessins, maquettes et vidéos, la vision des concepteurs est expliquée en détail.

Initialement conçu dans l’espoir de dévoiler la ville aux touristes étrangers, le festival a néanmoins conservé la volonté de créer une impression durable sur les visiteurs. Pavillon Tokyo 2021 est à découvrir jusqu’au 5 septembre dans la capitale nippone. À la fin de l’été, les différentes structures seront démontées ou déplacées.


SOURCES :

Site officiel du festival :
https://paviliontokyo.jp/en/?#pavilion

Andreea Cutieru. « Renowned Japanese Architects and Artists Create A Series of Pavilions in Tokyo in Celebration of the Olympics » 29 Jul 2021. ArchDaily. Accessed 2 Aug 2021. https://www.archdaily.com/965902/renowned-japanese-architects-and-artists-create-a-series-of-pavilions-in-tokyo-in-celebration-of-the-olympics

Tokyo Art Beat :
https://www.tokyoartbeat.com/tablog/entries.en/2021/07/pavilion-tokyo-2021.html