Les logements vacants, un phénomène complexe

L’augmentation concomitante du nombre de personnes mal-logées, voire sans abri,  et des logements vacants, amène régulièrement des personnalités publiques, politiques et des citoyens à réclamer la réquisition des logements vides.

En théorie, la loi française permet au Maire ou au Préfet, dans des situations d’urgence, de prendre temporairement possession d’un bien immobilier. Comme le souligne Catherine Sabbah dans son dernier livre, “depuis la mise en œuvre du droit au logement en 2006, l’État, qui est légalement obligé de loger les familles prioritaires, pourrait se servir de ces textes. Dans les faits, la réquisition est la plupart du temps considérée comme un abus de pouvoir portant sur la propriété privée et rarement mise en œuvre.”

Une autre difficulté tient à la teneur des 3 millions de logements vacants. Ce chiffre bien réel avancé par l’INSEE reflète de nombreuses situations variées : des logements en vente, en attente de l’emménagement ou d’un règlement de succession, etc. D’autres sont également inoccupés du fait de l’absence d’une forte demande sur le territoire, du refus ou de l’impossibilité de réaliser les travaux nécessaires ou même d’un désintérêt pour le bien, particulièrement pour des logements reçus en héritage. En restreignant la définition, l’estimation actuelle reste tout de même de 300 000 logements vacants depuis plus de deux ans en zone tendue.

Pour lutter contre ce phénomène, dû à des propriétaires qui refusent pour différentes raisons de mettre leur logement sur le marché, une taxe sur les logements vacants a été introduite en 1999 pour les zones tendues, mais sans obtenir les effets escomptés. Une autre voie a alors été prise, basée sur l’incitation plutôt que la seule dissuasion, avec notamment la mise en place de la garantie Visale pour rassurer les propriétaires, et peut-être demain la garantie universelle des loyers.

Concrètement, combien de logements peut-on récupérer ?

En étudiant en détail le cas de Paris, l’APUR a mis en lumière la différence entre la vacance de longue durée et les autres phénomènes de manière plus précise qu’à l’échelle nationale. Tout d’abord, le taux de logements vacants a atteint 19% du parc parisien en 2020, contre 14% en 2011. Une augmentation due en partie à ces fameux logements vacants de longue durée, mais aussi aux résidences secondaires et aux logements occasionnels utilisés pour des raisons professionnelles. Cela résulte également de l’essor des meublés touristiques type Airbnb avec un taux de fraude élevé malgré une politique de régulation assez avancée à Paris.

Sur ces 19%, soit 262 000 logements, la moitié rentre dans le cas de la vacance. Et là encore, si on exclut la vacance frictionnelle, c’est-à-dire la situation entre le déménagement et l’emménagement, il reste tout de même 19 000 logements inoccupés, soit ce que produit la ville de Paris en pas moins de 5 ans.

Cette statistique peut être sous-estimée en raison des stratégies fiscales des propriétaires qui peuvent déclarer un logement vacant comme secondaire, sans oublier la distinction parfois subtile entre vacance frictionnelle et structurelle (un logement vacant 1 an et 11 mois rentre dans la première catégorie).

Mais plutôt que de simplement considérer ce problème à travers les logements vacants, il peut être beaucoup plus parlant — et alarmant — de comparer la production de logements neufs de 2011 à 2020 (soit 37 000) à l’apparition de logements inoccupés sur la même période (72 000). Soit une perte nette de 35 000 résidences principales.

Pour la compenser, l’APUR mentionne également que des incitations diverses pourraient permettre à une partie des 86 500 résidences secondaires parisiennes uniquement utilisées pour les loisirs, vacances et weekends d’être mise sur le marché. Plus encore, il est estimé que 25 000 logements sont loués illégalement sur des plateformes de location touristique alors qu’ils sont comptabilisés comme des résidences secondaires. Ce qui pourrait commencer à s’atténuer avec la mise en place de chaque année davantage de régulations de ces meublés par l’État et les collectivités, ainsi que par des moyens de contrôles accrus.

Répartition des logements inoccupés à Paris - ©APUR
Répartition des logements inoccupés à Paris – ©APUR

Le “vivier” de logements, s’il n’est pas illimité, reste tout de même plus qu’important au regard de la production annuelle de logements, mais recouvre des situations très différentes qui appellent à des leviers tout aussi variés.

Une variété d’outils à mobiliser pour transformer le potentiel des logements vacants

Face à la complexité du phénomène des logements vacants, une palette variée d’outils réglementaires, fiscaux et incitatifs peut être mobilisée pour encourager la remise sur le marché de ces biens inoccupés. Ces outils vont au-delà de la réquisition, très souvent évoquée, mais qui reste dans les faits quasi-impossible à mettre en œuvre.

Les documents d’urbanisme réglementaires tels que les PLU (Plans Locaux d’Urbanisme) ou les règlements municipaux de construction, bien qu’utiles pour protéger le logement, ne permettent pas de favoriser des résidences principales plutôt que de futurs logements inoccupés. L’application stricte de règles contre la transformation d’usage ou l’instauration de servitudes de résidence principale pourrait s’avérer nécessaire pour contrer ce phénomène. Lire la site…