Ender Meuh1246

Peut-être avez-vous déjà croisé l’un des ses anges ou l’une de ses gargouilles sur les murs de la ville. L’artiste que vous allez « rencontrer » aujourd’hui s’appelle Ender et ses collages, tout en nuances de gris, représentent bien souvent des personnages mythologiques. Son nom d’artiste lui a été inspiré par le célèbre roman de science-fiction « La stratégie Ender » qui le suit depuis son adolescence. Lorsqu’il a réalisé ses premiers pochoirs, ce nom lui est venu naturellement.

Comédien jusque dans ses pochoirs

Avant d’être street artiste, Ender est comédien. Il y a plus de 20 ans, il a suivi le cours Florent pendant 3 ans et a fait de la comédie son métier. Aujourd’hui, en allant dans la rue, il se met en scène autrement. La peinture lui permet de révéler d’autres facettes de lui-même, de s’exprimer autrement. Même si, pour lui, dans sa façon de le faire c’est assez similaire. Il devient même, parfois, son propre metteur en scène au travers d’autoportraits, comme par exemple lors de son hommage au « Cri » d’Edvard Munch ou en ange vêtu d’un sweet à capuche.

Être un artiste de rue est semblable à être un acteur. Mes œuvres dépeignent des personnages, des scènes. Je dois créer un scénario de donner un sens aux pochoirs. Une fois que l’oeuvre est collée dans la rue, elle peut être éphémère. Elle devient la propriété des passants qui vont (ou pas) la regarder. Elle sera arrachée du mur, volée parfois ou patinée par le temps mais je espère qu’elle aura mis un sourire ou une émotion sur le visage de la personne qui l’aura regardée.

Il ne choisit donc pas par hasard le mur sur lequel il va coller son pochoir. Il respecte beaucoup le mur sur lequel il intervient. Il fait attention à la place qu’il prend, à l’histoire qu’il va raconter. Et surtout, il n’oublie pas les gens qui vont le voir, car ils vivent ou travaillent là et passeront devant chaque jour. De la même façon, le quartier où se trouve ce mur a un sens en lien avec l’œuvre.

Plus important que de chercher à délivrer un message, il préfère laisser les gens voir ce qu’ils veulent dans ses collages. Peu importe si les passant voient ce que lui a voulu faire à travers ses personnages mythiques. Le principal pour lui est que le pochoir soit cohérent, à sa place sur ce mur là !

Les influences

Ender a vécu pendant plus de 25 ans dans le quartier de Belleville, célèbre pour le streetart des années 80. Petit, il a découvert le travail de Jérôme Mesnager ou encore de Némo. Plus tard, Jef Aérosol devient également une source d’inspiration. C’est pourquoi, naturellement, c’est à Belleville qu’il viendra coller ses premiers pochoirs en 2009. Une façon pour lui de laisser son empreinte dans ce quartier qui l’a vu grandir.

Les artistes qui l’ont influencé ne viennent pas uniquement du streetart. Il trouve l’inspiration aussi, et surtout, chez les artistes « classiques » tels que Caravage, Michel-Ange, Raphaël, David, Vermeer, De la Tour… On retrouve ce goût pour les thèmes du passé dans ses œuvres comme les anges, les gargouilles, les monstres, les démons ou encore les chimères.

La Renaissance est une période forte pour moi où tout a été élevé à un niveau d’excellence. Cela me plait de retravailler certaines œuvres et de les mettre sur les murs comme un clin d’œil mais aussi comme un hommage, un lien entre ces artistes et notre époque. Mais j’aime aussi changer et avoir différents thèmes que j’aborde de façon successive les mariolles, les gargouilles, les anges, et le retraitement d’oeuvres ou de peintures dites classiques.
 

Des thèmes de prédilection

Ender a des thèmes de prédilection et travaille en général par séries. Il y a les Mariolles, des enfants rieurs qui tirent la langue aux passants, les renvoyant à leur propre enfance. Les gargouilles, montres rêveurs et bienveillants, sont là pour veiller sur la ville. Les anges, homme moderne vêtu d’un sweet à capuche, entretiennent une relation ludique avec la religion, nous amenant à réfléchir sur cette part d’ange (et/ou de démon ? ) que chacun de nous abrite.

Les gargouilles que je pose sur les murs représentent toujours en quelque sorte un sentiment, une émotion humaine. J’aime qu’elles soient plutôt sympathiques et pas démoniaques (en tout cas je les vois ainsi), elles sont le pendant de mes mariolles. Je veux qu’elles donnent le sourire aux gens qui les regarderont et comme les gargouilles ou chimères du Moyen-Age qu’elles éloignent les pensées négatives et qu’elles disent (tout comme les mariolles) « souris, tout ça n’est pas si important ».

Il a également réalisé une série de réinterprétation d’œuvres classiques (Persée brandissant la tête de Méduse, Artémis à l’arc d’or, la bataille de Cascina) assumant ainsi complètement son admiration pour les artistes de la Renaissance.

Avant la rue, l’atelier

Au tout début de la création il y a l’imagination. Il faut que l’idée germe et fasse son chemin. Qu’il visualise l’œuvre qu’il souhaite réaliser. Ensuite il passe à la première étape de « fabrication » : la photo. Il a toujours une idée très précise de ce qu’il veut c’est pourquoi il fait appel à des enfants qu’il connaît (bien souvent ses nièces). Ou il fait des autoportraits (pratique car ainsi le modèle est toujours disponible !).

Ensuite, il choisit la photo qui « ressemble » le plus à ce qu’il a imaginé pour la retravailler sur ordinateur afin d’en accentuer les contrastes. Cela lui permet ensuite de découper l’image en de multiples « layers » (couches) : un par nuance de gris. Cette étape représente des heures (voire des jours) de travail.

L’étape suivante est la peinture du pochoir. Il (re)compose l’image en superposant les différentes nuances puis peint à l’aérosol à travers les layers, soit sur du papier qu’il va ensuite coller sur le mur, soit directement sur le mur. Il utilise un papier fin qui permettra à l’œuvre d’épouser parfaitement la texture du mur et ses aspérités.

La toute dernière étape est le collage dans la rue. « Last but not least » comme on dit car c’est pour lui le moment le plus délicat. Pas question de coller au hasard, sur n’importe quel mur ! Il aime sortir à l’aube, quand les rues sont encore désertes. Il peut alors choisir tranquillement le mur qui permettra à la « magie » d’opérer. Le comédien qu’il est veut raconter une histoire aux gens qui regarderont son œuvre. C’est pourquoi il met en scène son pochoir dans le décor urbain qui l’entoure.

Rencontre en images

Je remercie beaucoup Emmanuel FMRMeuh1246 (la photo de couverture est la sienne) et Sébastien Casters de m’avoir autorisée à utiliser leurs photos pour illustrer ce portrait. Vous pouvez voir d’autres oeuvres d’Ender dans leurs albums.

©Biphop

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©Emmanuel FMR

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©Emmanuel FMR

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©Meuh1246 (collaboration avec Philippe Hérard)

©Sébastien Casters