« Faire autrement », voici le crédo porté par Emmanuel Macron mardi dernier. Comme si, jusqu’à présent, la politique de la ville avait été, soit une droite lignée de mesures se ressemblant toutes, soit un empilement de mesures qui n’avaient été jusque là pas assez efficaces. Certes. La seconde option, est vraisemblablement la plus juste des deux. Quant à la première, il est certain, que les styles des « politiques » de la ville furent bien différents. Véritable serpent de mer de la politique française depuis la fin des années 70, de nombreux ministres de la ville se sont succédés au sein de gouvernements eux-mêmes portés par des premiers ministres mettant en œuvre la vision développée par le président de la république.

Avant Emmanuel Macron, c’est donc François Hollande, Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac qui ont d’ailleurs tenté de faire « de ce qu’il est considéré d’appeler la politique de la ville », une priorité nationale. Avec un style bien particulier pour chacun. A chaque président, son plan banlieues !

Hollande : Dommage


Très tôt durant le mandat de François Hollande, est confié à François Lamy, alors Ministre de la ville, la mission de repenser la politique de la ville. L’objectif ? Définir une politique plus efficace et correspondant à un contexte local construit non plus seulement par des experts, mais en intégrant le regard des associations et des habitants. Trois principes dirigent donc cette réorganisation de la politique de la ville : Un nouveau périmètre pour les quartiers de la politique de la ville, « l’intervention citoyenne et le rétablissement de l’égalité républicaine ».

Pour autant, ce n’est pas ce que l’on retiendra de la politique de François Hollande. Car en effet, la politique de la ville version Hollande reflète assez bien le reste de son mandat : Obsession pour l’emploi, quitte à en oublier le reste…

Ainsi, après avoir tenté une nouvelle redéfinition des périmètres de la politique de la ville, avec l’instauration de nouveaux périmètres pour les quartiers, via un critère basé sur le taux de pauvreté des habitants, ce sont 300.000 emplois d’avenir qui furent signés sous le quinquennat Hollande. De nombreux habitants de ces quartiers auront donc pu accéder à l’emploi, mais l’endiguement du chômage n’aura pas réussi, puisque le chômage est particulièrement élevé dans ces quartiers.

Pour autant, l’ambition était plutôt forte, puisqu’un plan banlieues a été conçu dans l’objectif de poursuivre les travaux de rénovation des bâtiments et implanter de nouveaux services de proximité dans les quartiers. Montant du financement : 5 milliards d’euros sur la période 2017-2024 et 1 milliard a même été ajouté l’année suivante. A cela, il faut ajouter la création de nombreux emplois dans les écoles. Pour autant, différentes promesses de campagne ont été abandonnées, comme la nécessaire lutte contre les discriminations…

Sarkozy : Un Plan Marschall, rien que ça !

Pour Nicolas Sarkozy, la politique est avant tout une affaire de symboles et de mots ! Tout le monde se souvient forcément de sa fameuse formule prononcée à l’occasion de sa venue le 20 juin 2005 à la cité Balzac de la Courneuve : « On va nettoyer la cité des 4000 au Kärcher. ».

Peu de temps avant, en 2003, à Toulouse, il mettait fin à la police de proximité par ces termes : « la police n’est pas là pour organiser des tournois sportifs, mais pour arrêter des délinquants, vous n’êtes pas des travailleurs sociaux ».

Mais la surrenchère des mots et des symboles ne s’arette pas là, puisque dès lors qu’il accède à la fonction suprême, Nicolas Sarkozy confie à Fadela Amara, l’ancienne présidente médiatique de Ni Putes Ni Soumises, le déploiement d’une politique de la ville.

Il en ressort, le « Plan espoir banlieues – Une dynamique pour la France ». Le terme utilisé pour parler de ce plan est lourd de sens, le plan de Fadela Amara sera le « Plan Marschall » pour les banlieues, autrement dit l’investissement de toute une nation pour résoudre un problème fondamental pour la société.

Les ambitions sont grandes : Il s’agit d’accompagner 100 000 jeunes vde ces quartiers vers l’emploi, de faire en sorte que les grandes entreprises leur réservent des postes au sein de leur structure et qu’enfin des internats d’excellence soient créés, sans pour autant oublier le déploiement de 4000 policiers dans les quartiers. Seulement, au grand désespoir de Fadela Amara, le « Plan Marschall » est finalement bien vide mis de côté faute d’mbition budgétaire. En 2010, Fadela Amara démissionne même de son poste et la politique de la ville n’apparaitre quasiment plus à l’ordre du jour du Conseil des Ministres.

Chirac : Résoudre la fracture sociale, axer sur le logement et réhabiliter le bâti !

La première mesure phare de Jacques Chirac en faveur de la politique de la ville fut la mise en place de zones franches. Lui qui s’était fait élire sus thème de la fracture sociale, souhaitait mettre en place des zones défiscalisées. Ainsi 44 zones franches ont été créées dès le mois de janvier 1997. Toutes les entreprises de moins de 50 salariés souhaitant s’installer dans ces quartiers étaient donc exonérées d’impôts et de cotisations sociales.

Même si les résultats sont parfois inégaux, la mise en place de ces zones franches urbaines, demeure un des succès de la politique de la ville.

En dix ans, ce sont 15 000 entreprises qui se sont implantées dans les quartiers populaires et 60 000 emplois nouveaux qui y ont été créés.

Mais la politique de la ville verso Chirac ne s’est pas réduite à la création des ZFU. En effet, 2,5 milliards d’euros ont été allouées pour mettre en œuvre trois objectifs : Concevoir 12 grands projets de restructuration urbaine, mettre en acte la mixité sociale dans l’habitat et soutenir plus sérieusement les associations dans les quartiers. Ce budget a même été plus que doublé sous le gouvernement Jospin, puisqu’il a dépassé les six milliards.

Pour autant, alors que la la Cour des comptes dénonçait en 2002 « un manque de lisibilité comptable » de la politique de la ville », les difficultés persistent dans les quartiers. Jacques Chirac lance donc une deuxième phase encore plus ambitieuse. Cette fois-ci, c’est sur les bâtiments des quartiers eux-mêmes qu’il axera son action. En nommant Jean-Louis Borloo au Ministère de la ville, il met en place de grandes mesures, dont la plus importante la création de l’Agence Nationale pour la Rénovation urbaine, qui est censée mettre en œuvre la réhabilitation massive de l’habitat des quartiers.

Yoann Sportouch,
Rédacteur en chef de Lumières de la ville