Face à l’urgence climatique, 195 pays, dont la France, se sont donnés comme objectif la neutralité carbone d’ici 2050. Stipulée dans l’accord de Paris, le but est de parvenir à un équilibre entre les émissions et les absorptions de gaz carbonique causées par l’humain afin de ne pas dépasser la barre des +1,5°C de réchauffement climatique fixé par le GIEC. Cependant, le dernier rapport de 2021 indiquait des chiffres alarmants et plus rapides que prévus : +1,09°C. L’enjeu est donc de taille et donne le ton à la campagne présidentielle de cette année. D’autant plus que le second volet du rapport, paru en février dernier, a mis en exergue un manque de volonté politique face à la rapidité des changements. Alors, que nous proposent les candidats sur le sujet de la transition énergétique ?
La transition énergétique est la porte d’entrée vers cette neutralité carbone. Aujourd’hui, l’énergie est essentielle, indispensable et structure nos modes de vie, qu’il s’agisse de nos mobilités, nos logements, nos consommations, nos productions… C’est pourquoi changer de modèle est difficile : il faut savoir jongler entre accessibilité, finances et dépendance.
Le nucléaire, porte de sortie de la dépendance ?
Depuis le début de la guerre russo-ukrainienne, le sujet de la dépendance énergétique de notre pays a été remis sur la table. La Russie étant le deuxième fournisseur de gaz en France, le risque de pénurie ou d’inflation s’est manifestement fait sentir. Mais n’ayez crainte, si la Russie décide de couper les vannes à la France, il nous sera toujours possible de puiser dans nos stocks ou de nous tourner vers notre premier ou troisième fournisseur, la Norvège ou l’Algérie.
Bien que des solutions d’urgence existent, le conflit a révélé les limites de l’importation et de la dépendance énergétique. Limites qui ont servi d’appuis et d’exemples aux partis de droite pour soutenir leur choix de relance vers l’énergie nucléaire pour s’émanciper des importations. Valérie Pécresse l’a souligné en indiquant que le manque de réacteurs nucléaires disponibles nous a contraint à importer de l’électricité allemande et à réouvrir les centrales à charbon. Pour que la France devienne indépendante en énergie, elle propose donc de “refaire du nucléaire un fleuron de l’industrie” et d’arrêter immédiatement le plan qui prévoit la fermeture de douze réacteurs nucléaires. Au contraire, elle promet la construction de six nouveaux EPR (réacteur européen troisième génération) et la relance de la recherche dans le nucléaire comme le programme ASTRID qui permet de préparer les réacteurs de quatrième génération. Toutes ces mesures sont présentes dans les programmes des candidats de droite, mais aussi dans celui du candidat communiste Fabien Roussel qui croit au mix énergétique nucléaire-renouvelable.
Les autres candidats de gauche favorisent, au contraire, une sortie du nucléaire pour un 100% énergie renouvelable. Ils préconisent une “transition responsable” avec l’abandon des projets de construction d’EPR et l’arrêt des réacteurs en douceur en s’étalant sur plusieurs années. Jean-Luc Mélenchon prévoit aussi dans son programme d’anticiper la fermeture du secteur avec la garantie de l’emploi et la réhabilitation et reconversion des sites.
L’éolienne : utile ou inutile ?
Le sort des éoliennes, sur terre comme en mer, divise les candidats à l’élection. Deux écoles se distinguent, d’un côté les candidats de gauche sont partisans de l’énergie éolienne et de l’autre, à droite, les candidats s’opposent à ce type de production. Leurs arguments s’appuient notamment sur le fait que l’éolienne n’est pas en perpétuel mouvement, qu’elle dépend des conditions climatiques, mais aussi qu’elle impacte négativement son environnement, qu’elle acidifie les sols, tue la faune, crée des maladies et de la pollution visuelle. Enfin, leur qualité de production est remise en cause, elles seraient finalement un trop gros investissement pour ce qu’elles sont capables de produire. De ce fait, les candidats de droite et d’extrême droite, notamment Marine Le Pen, Éric Zemmour et Jean Lassalle déclarent qu’une fois élu, ils mettront fin à tous les projets d’éoliennes actuels et futurs, sur terre comme sur mer. Valérie Pécresse, quant à elle, propose que les projets ne se fassent qu’en adhésion avec la population.
À gauche, mais aussi du côté d’Emmanuel Macron, les candidats souhaitent réinvestir dans le secteur. Jean-Luc Mélenchon, tout comme notre président actuel, promet de doubler le nombre d’éoliennes déjà existantes d’ici 2050, tandis que Anne Hidalgo annonce que l’investissement dans l’éolien aura pour but d’atteindre les 100% d’énergie renouvelable. Dans l’avenir, grâce aux progrès technologiques, la productivité des éoliennes va nettement croître, en 2030 une éolienne de même puissance qu’actuellement devrait produire 30 % d’électricité.
Par ailleurs, l’ADEME a remis au clair l’efficacité des éoliennes en contre-argumentant les affirmations du parti opposé à son essor. L’éolien ne serait pas une énergie intermittente mais variable, qui fonctionne entre 75% et 95% du temps ; les arrêts pour cause de vents forts ne représentent ainsi pas plus de 10 jours par an. L’un de ses avantages est qu’elle ne produit pas de CO2, et est très économe en eau. L’acidification des sols qu’elles provoquent est bien moindre que celle des mix énergétiques globaux et il n’existe à ce jour pas de consensus scientifique quant à l’impact des éoliennes sur la santé des populations environnantes. Alors la question se pose, les éoliennes sont-elles efficaces ou néfastes ?
Viser le développement des énergies renouvelables
Malgré une opposition sur l’éolien, les partis de droite prévoient tout de même un investissement pour le développement des énergies renouvelables. Sur ce point, on peut observer un consensus politique pour sortir la France des énergies fossiles. Pour remplacer les hydrocarbures, comme le pétrole ou le gaz, les candidats proposent de se tourner vers la bioénergie en développant le bois-énergie, le biogaz, le biométhane, l’énergie solaire ou encore l’énergie de la mer grâce à la houle ou la différence thermique entre la surface et les grands fonds marins comme propose Jean Lassalle.
Les candidats d’EELV, du Nouveau Parti Anticapitaliste et de l’Union Populaire souhaitent que les énergies décarbonées représentent 100 % de nos productions et de nos consommations d’ici 2050. Jean-Luc Mélenchon propose donc d’interdire l’exploitation du gaz de schiste, du pétrole de schiste et de la houille. Dans ce sens, Emmanuel Macron assure la fermeture en cinq ans des centrales électriques à charbon et l’interdiction de nouvelles exploitations d’hydrocarbures, quand Marine Le Pen anticipe le remplacement des chaudières au fioul en soumettant une subvention grâce aux fonds initialement destinés aux éoliennes maritimes, représentant 25 milliards d’euros. Le second candidat d’extrême-droite, Éric Zemmour, souhaite également rediriger le soutien public à l’éolien, en s’orientant vers la géothermie et les réseaux de chaleur.
Concernant le budget alloué au développement, à la modernisation et à la démocratisation du secteur des énergies renouvelables, Valérie Pécresse propose de porter le fonds chaleur à 500 millions d’euros, contre 350 millions aujourd’hui. Ce fonds concerne le soutien des dispositifs qui produisent de la chaleur à partir des énergies renouvelables comme les déchets ou la biomasse. Elle rejoint donc, sur ce point, les autres concurrents à la présidence.
La fiscalité et la concurrence des énergies pour un meilleur appui transitoire
Jouer sur la fiscalité et la mise en concurrence ou non des énergies permet d’appuyer leur transition. La fiscalité pose effectivement un cadre et permet d’inciter les entreprises à s’orienter vers des énergies plus vertes. Yannick Jadot ambitionne, à ce titre, de supprimer la possibilité d’aides publiques aux entreprises engagées dans les énergies fossiles, tout comme Jean-Luc Mélenchon qui propose d’arrêter les subventions aux énergies fossiles, y compris à l’étranger, et de supprimer les niches fiscales polluantes incitant à la consommation d’énergie fossiles.
La concurrence entraîne des tarifications régies par la loi du marché. Ainsi, les tarifs fluctuent en fonction de l’offre et de la demande, mais aussi en lien direct avec les prix des entreprises en concurrence. Pour éviter cette “dépendance” aux autres entreprises, le candidat écologiste prévoit la suspension des règles de concurrence sur le marché de l’électricité pour revenir à des tarifs réglementés. EDF serait alors nationalisée pour que l’entreprise française de production et de fourniture d’électricité devienne un outil puissant de transition énergétique. C’est également ce que souhaite Jean-Luc Mélenchon, créer un pôle public de l’énergie pour mener une politique cohérente, en renationalisant EDF et Engie en lien avec des coopératives locales de production et de consommation d’énergies renouvelables, mais aussi en favorisant l’autoproduction et le partage des excédents. Finalement il rejoint sur ce point, le candidat anticapitaliste Philippe Poutou et la candidate de Lutte Ouvrière Nathalie Arthaud qui prônent un secteur de l’énergie exproprié et socialisé.
Dans un degré moindre, à droite Nicolas Dupont-Aignan appelle à maintenir l’actionnariat public d’EDF. Il estime que l’électricité et l’énergie sont des biens stratégiques de la nation et souhaite donc que l’entreprise reste publique, sans que l’État soit le seul décideur public. Il compte aussi empêcher l’ouverture à la concurrence de nos barrages hydroélectriques, ce que Éric Zemmour ambitionne également de faire.
Finalement, les idéologies et les ambitions politiques de chacune des couleurs politiques se rejoignent sur une transition vers des énergies renouvelables grâce à des mesures plus engagées à soutenir le secteur décarboné. Mais d’un autre bord, les orientations divergent sur l’énergie éolienne, pourtant renouvelable, et le nucléaire considéré d’un côté comme un secteur sûr et propre, et d’un autre comme une énergie trop dangereuse et risquée.