Depuis 2020 aux États-Unis, certaines entreprises spécialisées dans la construction de bunkers recensent une augmentation de la demande jusqu’à vingt fois supérieure à la normale. La raison ? Pas l’épidémie en tant que telle, mais plutôt les troubles civils et le futur proche : “Je ne pense pas que ce soit le coronavirus qui va détruire le monde, c’est ce qui viendra ensuite” relate un père de famille propriétaire d’un bunker depuis 2017. 

Ne vous y méprenez pas, on ne parle pas là d’abris lugubres et froids, mais bien de maisons (voire villas) multi-équipées, blindées et terrées à plusieurs mètres de la surface du sol. De vraies habitations de luxe capables de vous faire vivre jusqu’à cinq ans en toute autonomie avec le plus grand des conforts : piscine, cinéma, sauna, parc à chiens… De quoi séduire la bonne moitié des milliardaires de la Silicon Valley. 

“La crise du coronavirus a été un déclic, on a pensé ce projet pour faire face aux prochaines mauvaises surprises”. En Ukraine, le cabinet Sergey Makno Architects s’est également inspiré de la pandémie pour penser l’Underground House Plan B. Un bunker aux allures minimalistes enterré à 15 mètres de profondeur au pied des Carpates, lieu de retraite verte des plus grandes fortunes ukrainiennes. La maison circulaire peut accueillir jusqu’à trois familles différentes et leur procurer un sentiment d’apaisement et de détente grâce à son esthétisme épuré. 

Mais pourtant dans le pays, les anciens bunkers sont d’ores-et-déjà réinvestis. Après l’offensive russe sur le pays, les habitants ont rejoint les logements souterrains datant de la guerre froide. Et si, à Kiev, les abris ont gardé leur robustesse, ceux de la région Est présentent des conditions très précaires et très loin de l’image du bunker luxueux des architectes. C’est le malheur ici, le malheur témoignent des grand-mères réfugiées dans un bunker anti-atomique soviétique. Leurs maisons ont été détruites par des bombardements dès le début du conflit en 2014. Depuis, elles vivent dans des conditions de vie difficile : pas de chauffage, pas de cuisine… 

Si les projets pour ce type d’habitation anti-apocalypse commencent à devenir de plus en plus nombreux, leur accessibilité quant à elle, reste nuancée. En effet, de par leurs qualités luxueuses et onéreuses, il ne sont accessibles qu’aux plus fortunés, tandis que ceux réellement dans le besoin réinvestissent les friches de guerres. Alors, plutôt que de penser des projets de construction de bunkers luxueux, ne vaudrait-il pas mieux réfléchir à des projets de rénovation et de réhabilitation des abris déjà existants pour proposer des conditions de vie plus décentes aux réfugiés du conflit ? 

Photo de couverture ©Staro1 via Wikimédia Commons