Depuis quelques années, des mégalopoles comme Singapour, Los Angeles ou Dubaï, ont vu arriver dans leurs banlieues des installations agricoles d’un genre nouveau : des fermes robotiques. L’idée à la base de ces installations urbaines est de condenser dans des espaces fermés et contrôlés les technologies les plus avancées en matière d’agriculture et ainsi développer une nouvelle agriculture toute automatisée et à l’impact écologique réduit.
Ces fermes urbaines high-tech sont quasiment autonomes. Toutes électriques et numériques, elles sont équipées d’intelligences artificielles, à capacité d’apprentissage automatique (deep learning), qui sélectionnent les plants les plus vigoureux et déterminent statistiquement les paramètres affectant la production. Les fermes urbaines intègrent également des systèmes de capteurs et de caméras qui collectent des données relatives à la pousse des plantations et optimisent la croissance de chaque variété en régulant l’alimentation en eau et l’exposition aux LED. Aux LED oui, car les végétaux de la culture indoor ne sont jamais exposés aux rayons du soleil, les plantes se développent uniquement sous une lumière artificielle contrôlée. Les récoltes sont ensuite assurées par des bras et engins robotisés, de sorte que l’homme n’intervient quasiment pas dans le processus agricole.
La première de ces fermes futuristes, nommée Sky Greens, est née à Singapour en 2012. Le concept a rapidement séduit les Etats-Unis et pour cause les fermes robotiques admettent un rendement en moyenne 350 fois supérieur à l’agriculture traditionnelle. Et bonus, à l’heure où les consommateurs questionnent de plus en plus l’origine des produits et leur impact écologique, l’environnement contrôlé dans lequel pousse les végétaux permet à la nouvelle génération d’agronomes de refuser les OGM, pesticides et eaux de javel tout en étant certains d’assurer un rendement positif et ainsi être capable de nourrir la population.
Des groupes comme Plenty et Aerofarm aux Etats-Unis ou Madar farm aux Emirats Arabes Unis, leaders mondiaux de la culture indoor, introduisent ainsi une nouvelle approche de l’agriculture : une vision agricole où les champs sont verticaux, artificiels et urbains. Ce renouveau de l’agriculture est bien loin de l’image paysanne que beaucoup de citadins se font encore de la production alimentaire, mais pour certains agronomes, les fermes robotiques représentent une perspective optimiste pour nourrir le monde dans le futur.
Pour l’instant, les fermes verticales, majoritairement présentes aux Etats-Unis, produisent principalement des légumes de grande consommation : laitues, choux kale, tomates, concombre, betteraves, herbes aromatiques… Mais les cultures tendent à se diversifier et se développer, la question d’introduire ces fermes urbaines dans les villes européennes est déjà lancée.
L’attrait pour ces fermes artificielles produisant des aliments frais à une vitesse sans précédent a donné naissance à des entreprises spécialisées dans l’invention de hautes technologies pour ce nouveau genre d’agriculture. Par exemple, la société écossaise Intelligent Growth Solutions (IGS) développe actuellement un nouveau genre de briques électroniques pour construire des tours de culture entièrement automatisées. Ces briques intègrent directement les capteurs de température et d’humidité, les circuits d’eau, les réservoirs de nutriments, les systèmes de ventilation, les étagères robotisées et, c’est la dernière invention d’IGS, des variateurs d’éclairage intelligent à base de LED mélangeant les couleurs pour optimiser les cultures et réduire la consommation électrique.
Dans un contexte de croissance exponentielle de la population mondiale et de dérèglement climatique, le développement des technologies de la culture indoor peut apparaître pour certain non seulement novateur mais aussi nécessaire. De plus en plus de pays entrevoient les fermes urbaines comme des solutions d’avenir pour nourrir leur population. Pourtant, chez Lumières de la ville, la culture hors sol urbaine nous pose quelques questions : un légume ne devrait-il pas pousser en pleine terre ? Les villes doivent-elles devenir nourricières ? La robotisation des villes a-t-elle vraiment du sens ?
Photo de couverture ©Chiradech/Getty Images