Pour beaucoup, la pratique du naturisme en zone urbaine peut sembler incongrue. Pourtant, le naturisme ne se restreint plus aux seules plages et établissements dédiés. Il prend de plus en plus d’ampleur dans nos villes et sous différentes formes : des parcs aux piscines privatisées, les lieux où la pratique est autorisée sont de plus en plus nombreux. L’occasion pour nous de revenir sur cette pratique qui compte de plus en plus d’adeptes.
Brève histoire du naturisme
L’idée de vivre en communion avec la nature n’a rien de nouveau. D’ailleurs, il existe des traces historiques révélant que cette pratique était déjà existante sur les bords de la Seine au Moyen-Âge. Ce n’est vraiment qu’à partir du XXème siècle que la pratique prit une toute autre ampleur. Il faudra d’ailleurs attendre 1974 pour qu’une définition exacte ne soit donnée lors d’un Congrès Mondial de la Fédération Internationale de Naturisme.
Cette définition, reprise sur le site internet de la Fédération, explique que c’est «une façon de vivre en harmonie avec la nature, caractérisée par la pratique de la nudité collective avec l’intention d’encourager le respect de soi-même, le respect des autres et de l’environnement». En cela, la différenciation avec le nudiste se doit être abordée. À la différence du nudisme qui revendique uniquement le fait d’évoluer dans le plus simple appareil, le naturisme considère la nudité comme le moyen ultime de se rapprocher de la nature et vivre en harmonie avec. Dans ce cadre là, la pratique du naturisme est surtout fondée sur un souci écologique, le fait d’être nu n’étant qu’un moyen et ne représentant en aucun cas un but en soi. Le corps nu n’est pas perçu comme intime mais comme un corps naturel étant intégré dans un écosystème.
C’est dans les Yvelines, plus précisément sur l’île de Platais à Villennes-sur-Seine, que deux médecins, Gaston et André Durville, inaugurent en 1928 un centre où se tiendra le tout premier congrès nudiste. Une date importante qui marque le commencement de « la colonisation naturiste », comme ils le diront si bien quelques années plus tard. Mais c’est dans le Var, sur une des îles d’Hyères, l’Île du Levant, que les frères Durville établissent le premier centre réservé aux nudistes : Héliopolis, « le plus formidable centre naturiste du monde ». Gaston et André espèrent faire de ce lieu un vrai paradis terrestre. Ils feront même appel aux naturistes des différentes colonies françaises pour se procurer des animaux exotiques de toutes sortes. Ils écrivent à ce sujet : « ce sera le jardin des Hespérides, une île promise, sauvage, vierge, couverte de maquis, de pinèdes, grande comme un monde ». En aout 1931, on comptait déjà 400 naturistes dans cet espace où la nature conservait tous ces droits et où l’humain ne tentait pas de s’imposer à elle. Le domaine recouvre 60 hectares sur les 1.000 que compte l’île.
Avec ses deux façades maritimes le long de l’Atlantique et de la Méditerranée, la France a toujours été une destination de choix pour tous les adeptes du naturisme, où très rapidement, le phénomène s’est développé dans les campings. Pourtant, pendant longtemps, « le naturisme s’est anciennement développé en Allemagne et dans les pays protestants du nord de l’Europe où la nature est mythifiée. La nudité y est banalisée jusque dans l’espace public, plages et zones vertes urbaines» explique Emmanuel Jaurand, de l’Université d’Angers. Ces populations, attirées par le cadre ensoleillé et idyllique que leur procuraient les côtes françaises, se sont tournés vers les plages françaises. Ce qui fait aujourd’hui de la France, la première destination naturiste au monde. Paris serait-elle donc légitime à ouvrir une partie du Bois de Vincennes à la pratique naturiste ?
Paris entre dans la course !
Alors que la ville de Paris inaugurait en 2017 une zone dédiée à la pratique du naturisme en plein coeur du Bois de Vincennes, l’idée d’en favoriser la pratique n’est pas nouvelle. La piscine Roger Le Gall située dans le XII arrondissement permet déjà à ses utilisateurs de se baigner dans le plus simple appareil. Il faut tout de même faire appel à l’Association des naturistes de Paris pour pouvoir aller s’y prélasser.
Pour la première fois, la capitale accueille un espace totalement gratuit, ouvert de 8h à 19h30. Avec une surface de 7.300m2, la zone naturiste se situe près de la réserve ornithologique, dans la clairière entre l’allée Royale et la route Dauphine. Proposée par le groupe écologiste au Conseil de Paris, qui voyant le nombre de naturiste augmenter, s’inquiétait du fait que Paris ne comportait pas de lieu qui en permette la pratique. Encadré par des panneaux de signalisation, l’espace devrait assurer la tranquillité des usagers de l’espace naturiste, ainsi que des promeneurs. Une charte a d’ailleurs été présentée afin de devancer tout problème de voyeurisme ou d’exhibitionnisme.
Crédit photo ©Florian via Wikipédia
Et ailleurs en Europe ?
Paris semble s’être inspirée de ce qui se passe outre-Rhin où la pratique du naturisme est beaucoup plus répandue. La ville de Munich a légalisé la pratique en 2014 et Berlin fait figure d’exemple en ayant mis en place des espaces de cohabitations entre personnes habillées et naturistes. Les Berlinois sont autorisés à ôter leurs vêtements quand la température extérieure dépasse les 25°C.
De Barcelone à Malmö en Suède, la pratique du naturisme est monnaie courante. La capitale catalane dispose d’une plage naturiste accessible en métro. Les Suédoises ont, quant à elles, le droit d’être seins nus lorsqu’elles se retrouvent à la piscine. La Suisse n’interdit pas explicitement de se promener nu, tant que personne ne se sent importuné. Le Royaume-Uni, qui n’a pas forcément de zones accessibles aux naturistes, ne considère pas la nudité comme un délit passible de poursuites.
Enfin, finissons par une note légère… Avez-vous déjà entendu parler de la Journée mondiale cyclo-nudiste ? Chaque année depuis 2004, des milliers de participants à travers le monde se retrouvent pour la bonne cause : se détacher du pouvoir du pétrole et favoriser un retour aux valeurs simples et naturelles de la vie… en faisant du vélo nu.
World Naked Bike Ride Brussels 2018 – Crédit photo ©C.Suthorn via Wikipédia
Petit à petit, la vie urbaine sans habit tend à s’essayer et parfois même à s’instaurer dans toutes les grandes villes.