Balade nocturne à Lyon, décembre 2015. Photographie prise par les auteurs.[/caption]

Le mois de décembre se termine et comme tous les ans en France, la ville et ses habitants se retrouvent à vivre au rythme des fêtes de Noël. L’un des premiers signes est la mise en place des illuminations dès novembre, toutes plus kitsch les unes que les autres qui animent les rues et les balcons. Depuis quelque temps, de nombreux articles paraissent analysant l’influence de ces installations sur la consommation électrique. Le verdict est identique partout : le mois de décembre est la période de l’année la plus énergivore en termes d’électricité. Par exemple, les États-Unis consomment en un mois ce que l’Ethiopie consomme en une année. Ça fait réfléchir, d’autant plus que la COP21 vient de se terminer.
Aujourd’hui, nous avons décidé de regarder cette période d’illuminations sous un autre angle: le rapport entre le corps et la ville. C’est le seul moment de l’année où nous voyons tout le monde sortir dans la rue même si il fait froid. Et bizarrement, alors que notre corps devrait entrer en hibernation, celui-ci est réveillé par une mise en action de ses cinq sens.

 

La vue

C’est le premier sens touché. Guirlandes et installations électriques transforment le paysage urbain pendant cette période hivernale. Tous les ans, nous découvrons une ville différente, avec des éclairages multicolores (bleu, blanc, rouge, jaune ou vert, …) et animés, qui émerveillent petits et grands même si la cohésion des installations n’est pas toujours de rigueur. Parfois, c’est même plutôt éblouissant et ça peut faire mal aux yeux. Dans certains cas, c’est le seul moment de l’année où nous voyons plus nettement la rue de nuit, même si l’impact du vert ou du bleu sur le sol et les murs ne rend pas l’espace public plus chaleureux, au contraire. Mais, c’est toujours un bon moment pour profiter de balades nocturnes dans la ville.

 

L’ouïe
Alors que nous nous agglutinons dans les magasins et autres centres commerciaux pour dépenser une bonne partie de notre paie dans les cadeaux, impossible de résister aux sirènes de la ville. Il nous semble difficile de passer le mois de décembre sans être contaminé par les chants de Noël. Frank Sinatra résonne dans tous les magasins, à nous rendre fou. A cela s’ajoute le bruit sourd et pesant produit par les passants qui envahissent les rues. Et les jours de grands froids, le vent glacial qui s’engouffre dans les rues siffle dans nos oreilles. Si nous sommes bien équipés, notre bonnet nous sert de couche protectrice et isolante entre notre tête et le reste de la ville.

 

Le touché
Est-ce que nous pouvons vraiment ressentir la ville avec une paire de gants, trois épaisseurs de pulls et de manteaux et une paire de Moon Boots ? A méditer. Par contre, ce qui est sûr, c’est que nous avons généralement chaud et froid, et le choc thermique sur la peau entre l’intérieur et l’extérieur des magasins est assez foudroyant. L’espace des magasins et de l’espace public ne semble même plus adapté pour accueillir autant de monde d’un seul coup. Nous sommes collés les uns au autres, comme dans une communion sensuelle, mais avec l’érotisme en moins.

 

Le goût et l’odorat
De manière plus sympathique, c’est aussi une période où nous trouvons nos amis dans le centre-ville pour faire un tour au marché de Noël afin de goûter à toutes les spécialités culinaires : choucroute, tartiflette, raclette, … Tradition typique de l’est de la France, il est vrai que le marché de Noël s’est exporté à travers toute la France ces dernières années et occupe les grandes places des villes renforçant ces centres névralgiques pendant un mois. Nous retrouvons également les traditionnelles odeurs de vins et de jus de pomme chauds, ou de marrons grillés qui embaument les rues. Comme une madeleine de Proust : nous sommes transportés dans un vieux Noël, où notre grand-mère nous préparait son fameux pain d’épice. Cette sensation est tout de suite contrebalancée par l’odeur des poubelles de nos chers voisins le lendemain du réveillon.

 

Au final, Noël soulève souvent des débats sur notre façon de consommer, mais elle réveille en nous l’ensemble des sens, qui sont largement oubliés dans la conception des villes. Souvent de manière exagérée, vivre le mois de décembre c’est un peu comme boire de l’alcool. Dans un premier temps, il nous procure euphorie, puis l’ivresse du jour de l’an fait place à la gueule de bois du premier janvier.

 


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