La pandémie mondiale nous l’a bien montré, l’aménagement de nos villes et de nos logements ont des conséquences importantes sur notre santé physique comme mentale. Lise Bourdeau-Lepage, chercheur au laboratoire Environnement Ville Société et professeur à l’Université Jean Moulin-Lyon 3, a justement étudié l’impact du confinement sur le bien-être de la population urbaine.
Nous l’interrogeons sur les résultats de cette étude, pour faire le bilan, tout en évoquant les formes que pourrait prendre ce que l’on appelle “l’urbanisme du bien-être”.
Dans votre dernier ouvrage « Évaluer le bien-être sur un territoire. Comprendre pour agir sur les facteurs d’attractivité territoriaux”, vous partagez un guide complet traitant de l’importance d’intégrer durablement le sujet du bien-être au sein de la fabrique urbaine. Une ville étant composée d’une population généralement hétérogène, en termes d’aspirations, de générations, de besoins, et comprenant elle-même des enjeux divers, comment agir pour garantir le bien-être de toutes et tous sur un même territoire ? Quelle serait la définition unanime du bien-être ?
“La manière d’appréhender le bien-être est différente selon les individus, les disciplines. Même au sein d’une discipline, les chercheurs peuvent l’aborder de diverses façons. C’est la raison pour laquelle il y a en réalité plusieurs définitions, ou du moins plusieurs angles à partir desquels le bien-être peut être étudié et défini.
La vision hédoniste du bien-être est centrée sur la recherche du plaisir maximal et l’évitement du déplaisir. L’immédiateté est mise en avant. Les économistes travaillent particulièrement à travers ce prisme, voir l’approche utilitariste. La conception eudémonique, elle, consiste à lier le bien-être aux réalisations d’un individu, à l’atteinte de ses objectifs, à sa croissance personnelle et au sens de sa vie. Au centre de cette conception se trouvent les composantes affectives et la satisfaction par rapport à sa vie. Ainsi, selon cette conception, c’est l’accomplissement personnel à travers des objectifs ciblés qui est la clef du bien-être. Des études menées pendant le premier confinement au printemps 2020, période inédite pendant laquelle l’activité urbaine a fortement ralentie, ont démontré que les citadines et citadins se sont véritablement questionnés sur le sens de leur vie.
Nous pouvons également étudier le bien-être en ville de manière objective ou subjective. Dans la vision objective, le bien-être des individus dépend de la satisfaction de leurs besoins selon des éléments précis (comme les basic needs) définis par le chercheur. La vision subjective du bien-être est, elle, fondée sur les perceptions et le vécu de chacun. Les individus évaluent eux-mêmes leur bien-être.
Au sein de ces quatre manières d’aborder ce vaste sujet qu’est le bien-être en ville, nous retrouvons finalement deux postures : l’approche universaliste, admettant que les éléments constituant le bien-être d’un individu sont les mêmes pour tous, quel que soit le parcours de vie, la localisation des individus, le moment de vie, la culture qui les distingue ; et une approche relativiste (contextualisée) prenant en compte le contexte local, géographique, social et culturel. Le bien-être est ici défini comme un processus social, une construction partagée entre différentes catégories sociales.
Naturellement les habitants d’un même territoire n’ont pas forcément les mêmes besoins et aspirations mais il existe bien des éléments territoriaux qui font appel à une analyse normative et qui convergent entre un certain nombre de personnes lors des enquêtes. On mixe ici, vous l’avez compris, approche objective et subjective en ayant une vision contextualisée. Cela permet de construire le bien-être pour toutes et tous sur un territoire. Par exemple, dans la ville de Lyon, les habitants semblent prioriser l’accès à un environnement sain et sans nuisance. Et ce sont ces éléments de convergences, malgré la diversité d’individus et de fonctions que l’on retrouve au cœur d’une ville, qui légitiment en partie les actions des collectivités et des experts en faveur du bien-être en ville.
Cet exercice de recherche de définition, de compréhension des éléments territoriaux, des aspirations individuelles, des états de sérénité et de satisfaction des besoins matériels et immatériels d’une population nous rappelle enfin que le citadin est un être sensible, sensibilité qu’il démontre d’ailleurs par son désir de contact avec la nature.”
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