Souvent perçus comme des personnes marginales, les migrants réfugiés ont cependant une forte influence sur la construction de nos villes. Démographiquement, culturellement ou encore socialement, les différentes vagues d’immigration ont un rôle tout à fait considérable dans la manière dont se sont développées les villes et continuent encore à le faire. D’ailleurs, certaines ont parfaitement compris que leur intégration pouvaient leur être déterminante.

Comment peut-on alors dépasser cette vision encore trop hostile à l’égard des exilés, et de quelle manière les professionnels de la ville peuvent-ils intégrer la notion de l’immigration dans la construction urbaine, quelle que soit son échelle ?

L’intégration comme moteur de développement

Dans le sud de l’Italie, Camini est une de ces communes qui ont parié sur l’intégration des réfugiés dans le cadre d’un meilleur développement. Petit village calabrais de 750 habitants, dans une région des plus défavorisée du pays, Camini a subi depuis plus d’un demi-siècle une forte baisse démographique, principalement en raison des difficultés économiques qu’elle subissait. Mais par l’initiative de Rosaria Zulzolo et de sa coopérative sociale, les maisons abandonnées par les habitants de Camini ont pu être réinvesties gratuitement par les exilés en échange des rénovations qu’ils pouvaient y apporter. Une fois les travaux finis, la location des maisons est ouvert aux nouveaux venus qui peuvent continuer à s’épanouir dans et avec le reste du village. D’ailleurs, ce dernier a repris des couleurs suite à la réouverture d’écoles, d’épiceries et de nouveaux services publics. Pour faciliter cette démarche, l’État italien a en outre prévu une aide à destination du village qui s’élevaient à environ 35€ par jour et par migrant.

Toujours en Méditerranée, Tilos est une île grecques située à quelques 16 kilomètres de la frontière turque. Avec seulement 800 habitants qui y vivent, et avec l’appui de l’ONG Solidarity Now, il est possible pour une cinquantaine d’exilés de pouvoir s’installer sur l’île, job et logement en main. Ceux-ci sont sélectionnés selon la motivation dont ils font preuve à l’égard d’une installation durable et de l’occupation d’un emploi sur l’île. Si le nombre de sélectionnés reste limité, la commune fait tout ce qui lui est possible pour les intégrer au mieux, et les souder avec les résidents autochtones. Nouveaux boulangers, nouveaux personnels de restauration ou autres emplois, les personnes issues de l’immigration peuvent désormais participer pleinement à la vie urbaine !

Ces deux exemples représentent des zones peu habitées, dans lesquelles les enjeux migratoires sont fortement ancrées dans le paysage. Mais si ces deux municipalités ont réussi à leur échelle à promouvoir le développement urbain par l’intégration des exilés, pourquoi les plus grandes villes et les métropoles n’y parviendraient-elles pas ?

Comment garantir l’intégration urbaine des exilés ?

Dans tous les cas, une intégration réussie à toutes les échelles de villes semble devoir passer par l’ensemble des acteurs urbains, qu’ils soient professionnels ou non. Depuis la population jusqu’aux décisions politiques, en passant par les pouvoirs municipaux locaux.

Mais le facteur commun qui concerne l’ensemble de ces acteurs est dans un premier temps celui de la perception liée à ces personnes ayant fui une région qui leur était menaçante. Encore trop souvent gouvernée par la xénophobie de nombreux citadins, le regard négatif porté sur les vagues migratoires reflète une ségrégation qui pousse les intéressés à l’isolement. Et si on considérait plutôt ces flux comme un bénéfice pour les villes qui les accueillent ?

Si un regard positif peut petit à petit être véhiculé par un maximum d’acteurs, alors il sera envisageable d’adopter des comportements communautaires et efficaces, « par le bas » mais aussi « par le haut ». C’est-à-dire qu’en plus d’une implication politique et légale émanant de l’État et en faveur de l’insertion sociale des exilés, il semble nécessaire que les habitants eux-mêmes permettent également aux nouveaux venus de pouvoir s’exprimer sur les attentes et les préoccupations qui les poussent à l’exil. En Grande-Bretagne par exemple, le réseau Migrants Organise fédère les populations immigrées auprès de leaders qui portent la parole des réfugiés arrivés en Grande-Bretagne : une initiative qui met en valeur les revendications des populations immigrées !

Et surtout, le développement de nos villes semble également devoir tenir compte des flux migratoires sur le long-terme, à l’aide de plans globaux qui intègrent les populations réfugiées sur le territoire. L’intégration réussie des migrants est aussi un enjeu d’urbanisme. C’est le cas à Berlin notamment. La capitale allemande a réalisé un plan directeur pour l’intégration et la sécurité en faveur de démarches pour permettre aux migrants d’être accompagnés dans des secteurs comme le logement, l’éducation, la santé etc.

En bref, si les villes continuent d’attirer les vagues de migrations, il apparaît nécessaire aujourd’hui d’agir en connaissance de cause et en proposant des solutions globales véritablement dignes de villes inclusives. Welcoming America aux USA, ou encore Welcoming Cities en Australie accompagnent les communes dans leur souhait de penser la ville par le biais de tous ceux qui y vivent, réfugiés ou non.

Alors, avec une réflexion inclusive et globale de la planification urbaine, en prenant en compte les enjeux de chacun, un avenir commun est peut-être possible dans une ville ouverte, cosmopolite, attractive et durable.