Utiliser le réseau de tramway pour transporter des marchandises d’un point à un autre de la ville ? C’est l’idée un peu folle qui se cache derrière l’acronyme TramFret. Une idée pas si nouvelle, car si le projet du fret à courte distance est remis sur le devant de la scène ces dernières années, propulsée par l’urgence écologique, cette pratique était fréquente au début du XXème siècle. Les rails de lignes ferroviaires secondaires ou de tramways servaient déjà pour le transport de marchandises.
Un usage modularisé du Tramway
Quel transport décarboné dans la nouvelle Zone à Faible Émissions (ZFE) devrait être mise en place dans le centre-ville à l’automne 2021 ? A Marseille, le collectif Tous acteurs, appuyé par la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence (CCIAMP), a proposé d’utiliser les potentialités offertes par le tramway pour acheminer les marchandises en centre-ville. Conscients qu’il ne sera bientôt plus possible de continuer à acheminer les marchandises en transports polluants, ces acteurs envisagent l’utilisation du tramway la nuit, lorsqu’il ne sert plus pour le transport de personnes. L’idée à d’autant plus de chance de se concrétiser que le réseau de tramway est déjà là et se développe : entre 2022 et 2025, plusieurs extensions de lignes verront le jour.
L’occasion d’apprendre des expérimentations passées ?
Ce projet pourrait s’inspirer de plusieurs réalisations. En effet, quelques grandes villes européennes s‘étaient déjà intéressées à ce mode de transport de fret courte distance il y a quelques années, et avaient procédé à des expérimentations. Dans l’est de l’Allemagne, Dresde est la ville qui a accueilli le premier tram de ce genre. Depuis le 1er mars 2001, celui-ci approvisionne toujours une usine Volkswagen située en centre-ville. Dans une organisation en flux tendu, la quasi-totalité des pièces nécessaires à la fabrication des véhicules y estt ainsi transportée.
En France, dans un rapport paru en mars 2011, l’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR) constate la pertinence de la mise en place d’un tel dispositif sur courte distance, sous réserve que les conditions minimales soient respectées. Une première mondiale concernant le transport de marchandises alimentaires, c’est ainsi que le projet d’un TramFret à Saint Etienne avait été présenté lors de la COP21 à Paris fin 2015. Si l’expérimentation qui eut lieu au cours de l’été 2017 fut fructueuse, les tests effectués n’ont pas abouti à la pérennisation du service dans la ville. La décision d’arrêter a été prise après que le principal partenaire, le groupe Casino, n’ait pas voulu continuer dans cette voie.
Des atouts à faire valoir… mais aussi des freins au projet
Du point de vue de la logistique urbaine, le TramFret présente en effet des avantages intéressants. Il permet d’optimiser et de massifier les flux de transport et peut aussi participer à l’amélioration du cadre de vie des habitants en réduisant les nuisances générées par le transport de marchandises. Le tramway est l’un des moyens de transport les plus propres en termes de consommation énergétique et de pollution. À quantité égale de voyageurs par kilomètre, il est également bien plus économe que la voiture individuelle et que le bus. Hors vélo, le tramway serait ainsi le mode de transport urbain le plus écologique.
Si le TramFret a souvent été abandonné dans les grandes villes européennes, c’est qu’il soulève aussi un certain nombre de problématiques. Son déploiement implique un coût important pour la collectivité. Le modèle économique n’est pas établi car les projections dans l’avenir ne sont pas évidentes et dépendent beaucoup des configurations particulières des villes, de leurs dynamiques économiques et sociales. En fait, le projet est d’autant plus ambitieux qu’il impliquerait une remise en cause de toute la chaîne logistique actuelle. Et même plus largement, le TramFret serait un bouleversement complet dans la manière de penser la ville et nécessiterait d’articuler d’une manière inédite les aménagements urbains.
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