C’était le 7 novembre 2019. Ce jour-là, le président Emmanuel Macron fait volte-face sur le dossier EuropaCity, en annonçant l’abandon pur et simple du projet de méga complexe commercial et de loisirs. La contestation avait grandi au fil des années contre ce que les opposants qualifient de « grand projet inutile ». Le Triangle de Gonesse, situé dans le département du Val d’Oise (95), était ainsi devenu un symbole de l’artificialisation des terres.
Pour autant, l’abandon spectaculaire de ce grand projet ne donnait aucune garantie que les terres agricoles qui lui étaient destinées ne seraient pas artificialisées. Sur les 750 hectares que compte le Triangle, ce sont en effet 400 hectares de terres agricoles qui ont été sanctuarisées, et 280 hectares qui sont ouverts à l’aménagement.
Serait-ce donc que partie remise pour les défenseurs de ces terres agricoles ? Ces terres coincées entre l’aéroport du Bourget et l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle sont en effet le théâtre d’un nouveau conflit autour du projet d’implantation d’une gare du Grand Paris Express et d’une zone d’aménagement concertée (ZAC). L’an passé, la justice administrative avait définitivement débouté le recours des associations de défense de l’environnement qui demandait l’annulation de la création d’une ZAC, donnant ainsi raison à l’Etat. Le 18 décembre 2020, la cour administrative d’appel de Versailles a quant à elle rétabli le PLU de Gonesse qui prévoyait l’urbanisation du Triangle.
Face à cette situation et étant donné l’imminence des travaux, les militants écologistes et altermondialistes ont décidé de passer à la vitesse supérieure. Des manifestations ont d’abord eu lieu en janvier dernier sur le site. Puis, pour mettre davantage la pression sur les décideurs, les militants ont décidé de radicaliser leur action. Dans la matinée de dimanche 7 février a débuté l’occupation d’une partie de la zone par une poignée de manifestants. La première Zone À Défendre (ZAD) d’Ile-de-France est née.
Des associations, comme Extinction Rebellion, apportent leur soutien à la démarche. Les zadistes peuvent aussi compter sur le soutien et le relais médiatique d’élus de gauche et écologistes. Parmi les centaines de manifestants présents lors de la marche organisée le dimanche 17 janvier, on trouve l’eurodéputé EELV Yannick Jadot, la député France insoumise Clémentine Autain, et la maire adjointe de Montreuil, Mireille Alphonse.
Les zadistes, déterminés, assurent qu’ils ne quitteront pas la zone tant que les projets menaçant la pérennité des terres agricoles ne sont pas abandonnés. Le Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG), qui soutient les occupants de la ZAD, prône à la place un projet agricole alternatif, porté par l’association Coopération pour une ambition agricole, rurale et métropolitaine d’avenir (CARMA).
Mais en face, la réponse ne s’est pas faite attendre. En tant que président du CPTG et comme individu présent sur la zone, Bernard Loup s’est fait convoquer par le Tribunal judiciaire de Pontoise, lors du passage de l’huissier, le 8 février. Ce dernier était envoyé par l’établissement public foncier d’Île-de-France (EPFIF), qui demande l’expulsion immédiate des militants écologistes installés sur une parcelle lui appartenant. Vendredi, la justice a rendu son verdict, en ordonnant l’expulsion sans délai de la ZAD. Après 17 jours d’occupation, les opposants écologistes ont finalement été délogés par les forces de l’ordre.
Les événements récents semblent confirmer que le Triangle de Gonesse se mue en un lieu emblématique du conflit en matière d’aménagement du territoire. Au vu de la tournure récente qu’ont pris les évènements, l’avenir du Triangle de Gonesse semble encore bien incertain…
Crédit photo de couverture ©VVVCFFrance via Wikipédia