Changer de lit changer de corps
À quoi bon puisque c’est encore
Moi qui moi-même me trahis »
Qui aurait cru que ces paroles, écrites par Louis Aragon en 1956 et associées à la défaite allemande seraient encore d’actualité aujourd’hui?
Tout est affaire de décor, dès lors que la géolocalisation conditionne notre rapport à l’environnement immédiat. Traçabilité, surveillance, rencontres, offres promotionnelles, services… Notre rapport à autrui et à la consommation dépend plus que jamais de notre position géographique.
Consommer proche pour consommer mieux ?
Dans une société hypermobile, où la libéralisation de la consommation, la concurrence des marchés et la politique sécuritaire prévalent, les outils de géolocalisation se sont offert une place de choix. Face à la crise environnementale, sociale, économique et alimentaire, l’« empowerment » ou la capacité de prendre son destin en main, s’est exprimé sous différentes formes.
Parmi elles, des applications permettent de « consommer plus en dépensant moins ». Géocompare par exemple, permet de comparer les prix d’un produit dans les magasins situés aux alentours. Plutôt que d’aller chez Monoprix, le logiciel vous conseille de marcher 100 m de plus pour acheter votre paquet de gâteaux préféré chez Lidl. Sentinelo, lui, affiche sur votre smartphone les bonnes affaires et les produits en promotion dans les magasins les plus proches. Au fil de votre trajet, les annonces apparaissent, vous incitant à rentrer chez un opticien alors que vous étiez en chemin pour vous rendre à la Poste. Et la liste des applications vous proposant des services de livraison en fonction de la proximité des restaurateurs est infinie…
Quoi de plus logique que de consommer à proximité de chez soi ? Qui plus est, quoi de plus écologique ? Quand on pense au développement des circuits courts et des AMAP pour maintenir les petits producteurs locaux et certifier la qualité des produits, la démarche apparaît tout à fait louable. L’empreinte écologique est réduite et la traçabilité (mais de qui ? Du produit ou de vous ?) assurée. Qui plus est, ce genre d’applications peut relancer la vie d’un quartier !
Mobiliville, par exemple, vous tient informés des bons plans des commerçants, en temps réel, à Rennes. Les commerçants y publient leurs promotions afin d’attirer le chaland et d’en faire profiter leur porte-monnaie. Un service non négligeable pour certaines villes qui voient leurs commerces de proximité fermer les uns après les autres et dont la parade pourrait être de renouer le contact entre commerçants et consommateurs d’un même quartier.
Ainsi, consommer proche revient à consommer « écologique » et « solidaire ». Mais, avec les applications de géolocalisation, consommer proche revient surtout à consommer plus ! La suggestion est insidieuse, elle vous « notifie », vous « bipe » et vous « spamme » à chaque coin de rue. La contradiction est criante et le dilemme cornélien. Au lieu de consommer responsable comme notre conscience écologique nous y invite, nous consommons compulsivement… Pour relancer l’économie ne faut-il pas relancer la consommation ?
Suivre à la trace pour mieux se rencontrer, c’est surtout mieux contrôler
« Big brother is watching you », la célèbre phrase tirée du roman 1984 est passée dans le langage courant. En effet, le principe de base sur lequel repose la géolocalisation est la traçabilité. Que ce soit pour mieux se repérer dans l’espace, pour signaler sa présence en un lieu ou pour suivre les déplacements en temps réel d’un taxi à l’approche, la géolocalisation indique votre position dans l’espace à un instant T et la garde en mémoire. L’ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy, a lui-même été mis en cause, puis innocenté dans l’affaire Air Cocaïne grâce à cet outil magique.
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