Les seniors, et plus particulièrement les jeunes retraités, sont de plus en plus nombreux à rester actifs après leur retraite. On compte d’ailleurs en France près de 6% des retraités qui continuent à travailler. Activités bénévoles ou missions ponctuelles, l’échange et l’intégration des seniors dans la vie urbaine prend diverses formes. Ils constituent d’ailleurs aujourd’hui la première force associative du pays !

De nombreuses initiatives, basées sur la réciprocité, permettent ainsi aux générations plus jeunes de bénéficier de l’expérience acquise des seniors, tout en proposant un moment d’échange et de sociabilité entre les deux parties. Dans la mesure où les jeunes retraités constituent environ 20% de la population de grandes villes comme Paris, leur participation aux activités et leur implication pour une vie urbaine mixte doit être valorisée.

Entre missions ponctuelles, associations et nouveaux projets, comment les retraités s’insèrent-ils aujourd’hui dans la vie urbaine ? Quel rôle jouent-ils dans la construction de la ville de demain ? Quels sont les services et dispositifs mis en place pour favoriser l’échange intergénérationnel ?

S’intégrer dans la vie urbaine

De plus en plus de services urbains se développent, pour proposer des activités aux seniors. Par exemple, la Ville de Paris a mis en place une cartographie directement accessible sur internet qui recense toutes les activités disponibles pour les habitants de 55 ans ou plus : sports, loisirs, activités culturelles, cours sur le numérique, participation à la vie sociale et citoyenne, le choix est large ! Elles sont réparties sur l’ensemble du territoire parisien. L’idée est de les faire participer à la construction d’une communauté urbaine, à travers les différents biais que cela peut impliquer.

Par exemple, le dispositif Paris Sport Senior, propose aux plus de 55 ans d’accéder gratuitement à une offre complète d’activités sportives, dans tous les arrondissements. Il est ainsi possible de s’initier au taekwondo, à l’aquagym, la marche nordique, le tennis… Le matériel est fourni, pour favoriser l’accès et encourager les seniors à découvrir de nouvelles sociabilités. Dans la limite de 4500 places proposées, il y a donc 18 activités dans 61 équipements différents.

D’autres initiatives permettent aux seniors de se tourner vers de nouvelles activités qui impactent directement l’espace urbain. C’est le cas par exemple de “Merci Raymond” qui leur propose de participer au développement de l’agriculture urbaine. Une activité en extérieur qui permet de revaloriser le paysage urbain, tout en promouvant de nouvelles manières de produire et de s’alimenter. Une manière de s’investir en ayant une incidence directe sur la qualité de vie en ville !

Les colocations intergénérationnelles, une réponse au problème du logement étudiant ?

Dans une logique encore plus inclusive, ces dernières années ont vu le réel développement des colocations intergénérationnelles. Dès 1981 est fondé à Lille l’association Génération et Cultures, avec son dispositif Un toit à Partager, qui met en relation des 18-30 ans avec des retraités vivants seuls, avec une chambre de libre. Le loyer, plafonné à 200 euros, est donc plus accessible pour étudiants et jeunes actifs.

Une solution qui permet de répondre au problème de logement des jeunes, notamment dans les grandes villes, et d’offrir de la compagnie aux seniors vivants seuls. Un moyen de lutter contre l’isolement de certaines personnes âgées. Ils peuvent s’entraider dans les tâches du quotidien, tout en bénéficiant chacun de leur espace. Cette pratique se retrouve de plus en plus dans les grandes villes comme Paris ou Lyon où les loyers ne cessent d’augmenter. Les associations comme Un Toit 2 Générations, Ensemble2générations, y participent d’ailleurs. En novembre 2018, la Loi Elan autorise ainsi la création d’un programme de colocation solidaire qui favorise ce type d’habitat.

Avec souvent un loyer relativement bas, les colocations intergénérationnelles laissent aux jeunes actifs et aux étudiants la possibilité d’habiter dans des quartiers centraux de grandes villes et à moindre frais. C’est une solution à la précarité du logement dans les grandes villes, que beaucoup trouvent très enrichissante, parce qu’elle met en valeur le lien social intergénérationnel. Une manière plus humaine d’optimiser l’espace disponible dans certains logements, en repensant nos modes d’habiter et nos liens sociaux !

La transmission d’un savoir-faire par les jeunes retraités : des sociabilités renouvelées en milieu urbain

Enfin, une multitude d’initiatives se basent sur le principe de la transmission de savoirs, d’expériences, de compétences acquises par les retraités au cours de leur vie, auprès des plus jeunes. La start-up rennaise Senext, par exemple, créée en mai 2016, a pour principe de faire partager l’expertise acquise par les jeunes retraités, dans des missions ponctuelles en entreprise. Basées sur leur disponibilité et la flexibilité de l’intervention, ce principe donne la possibilité de garder un pied dans la vie active, sans pour autant s’engager sur le long terme.

Là encore, les liens entre seniors, étudiants ou jeunes actifs sont renforcés : l’Entente des Générations pour l’Emploi et l’Entreprise propose un accompagnement par des seniors de jeunes entrant sur le marché du travail. Entraînement à l’entretien d’embauche, construction de réseaux professionnels, CV, ces derniers ont beaucoup à partager ! Certains projets sont d’ailleurs soutenus par l’éducation nationale, comme l’association Ensemble demain qui organise des ateliers pédagogiques intergénérationnels, notamment chez les jeunes enfants, dans près de 65 départements. Les volontaires peuvent d’ailleurs aussi bien être des étudiants que des retraités, ces derniers interviennent dans plusieurs disciplines.

Enfin, l’Outil en main, créé en 1994, met en lien des artisans à la retraite avec des enfants de 9 à 14 ans, pour les initier aux métiers manuels. Ateliers qui sont donc des lieux de rassemblement et d’échanges, qui revalorisent les métiers manuels artisanaux auprès des jeunes générations. Cette idée de transmission peut donc prendre plusieurs formes. Ce que l’on retient, c’est que toutes ces initiatives sont basées sur une réelle idée de réciprocité. Les seniors entretiennent ainsi une dynamique de rencontres et d’activités, et les plus jeunes bénéficient de l’expérience de leurs aînés, depuis l’école jusqu’à l’entrée dans la vie active !

Ainsi, la mixité générationnelle permet d’apporter des solutions face aux enjeux urbains actuels, autant que d’enrichir la vie sociale. S’il existe des modèles de ville comme Sun City, une gated-community pour retraités où les jeunes n’ont pas leur place, cette formule trouve encore assez peu d’écho en France, du moins à cet extrême. Néanmoins, la polarisation des populations plus âgées dans certaines villes côtières françaises soulève quelques questions. Les villes ne gagneraient-elles pas plutôt à continuer d’encourager cette mixité intergénérationnelle ? Emploi, logement, culture, agriculture urbaine… et si ces échanges nourrissaient la ville de demain ?

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