L’aménagement du territoire, c’est l’action publique menée afin de réaliser un développement équilibré du territoire et de mieux organiser l’espace français. Cette action structurent donc notre pays et tentent de répartir au mieux les pouvoirs pour éliminer les inégalités territoriales. Depuis les années 1980, les politiques d’aménagement du territoire se tournent vers la déconcentration et la décentralisation. Ces processus vont de pair et visent à déléguer davantage de compétences aux collectivités territoriales, dans un but d’autonomie locale. Après les premières lois lancées sous François Mitterrand en 1982 qui signent l’acte I de la décentralisation, Jacques Chirac lance l’acte II en 2003 et François Hollande l’acte III en 2013. 

Lors de ce dernier acte, les régions de l’Hexagone ont été restructurées et redessinées pour réduire leur nombre quasiment de moitié, passant de 22 à 13. Leurs taille et leurs populations ont donc nécessairement augmenté, la région Nouvelle-Aquitaine a par exemple une taille équivalente à celle de l’Autriche. Mais c’était bien le but de la manœuvre, créer des régions à dimension européenne comparables aux länders de nos voisins allemands pour leur attribuer plus de poids politique et économique. Néanmoins, ces grandes régions restent difficiles à administrer. C’est pourquoi plusieurs lois ont été votées pour accompagner et organiser le redécoupage régional : loi NOTRe, loi 3DS, loi MAPTAM… Des réformes qui ne sont visiblement pas au goût de tous les candidats à l’élection présidentielle de cette année. 

Poursuivre ou en finir avec l’acte III de la décentralisation ?

Sous le gouvernement de Manuel Valls, il était question de supprimer l’échelle départementale, mais face à la complexité de l’opération, il a finalement été décidé de seulement retirer certaines compétences. La loi NOTRE a notamment transféré certaines compétences départementales aux régions, comme la gestion du ramassage scolaire ou celle du réseau de transport intercommunal. Notre actuel Président Emmanuel Macron semble être l’un des seuls à vouloir poursuivre ces ambitions. Il souhaite agir à l’échelle du département en réduisant fortement leur nombre. Pour ce faire, il réclame la suppression des départements dans les zones métropolitaines et l’attribution de leurs compétences directement à la métropole. Ce qui va permettre de réduire d’un quart leur nombre et selon le président-candidat d’émanciper la métropole de l’influence administrative du département qui la régissait, elle pourra donc décider de sa propre organisation. En zone rurale, les départements seront conservés et l’intercommunalité favorisée. 

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Face à lui, Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Dupont-Aignan et Jean Lassalle s’opposent à la métropolisation et dénoncent un découpage du territoire inadapté et trop éloigné d’une échelle à taille humaine. Le chef de file de l’Union Populaire, qui proclame une nouvelle organisation du territoire au service de la planification écologique, prévoit de supprimer les grandes régions et de les redécouper en fonction des bassins versants, pour leur confier l’eau comme première responsabilité. Parallèlement, tout comme les deux autres candidats de droite cités, il souhaite abroger les lois de l’acte III de la décentralisation et redonner aux communes le rôle de cellule de base de la démocratie locale. Là où la loi MAPTAM promulgue une fusion des communes plus large pour une intercommunalité plus efficace, Nicolas Dupont-Aignan et Valérie Pécresse contestent l’efficacité de cette opération et prévoient de laisser les communes s’organiser elles-même et librement grâce à des accords locaux. Éric Zemmour les rejoint sur ce point, puisqu’il souhaite réaffirmer le rôle premier des communes en stoppant définitivement le transfert obligatoire de leurs compétences vers les divers groupements intercommunaux.

Le mot d’ordre est clair : alléger les normes qui pèsent sur les collectivités et sur les communes et leurs maires. Quand Yannick Jadot prévoit allouer davantage de fonds aux collectivités, Anne Hidalgo, l’actuelle maire de Paris,  projette de créer un “permis de faire” aux collectivités, pour leur permettre de déroger aux règles nationales lorsque cela est souhaitable pour atteindre les objectifs définis par la loi. Idée également partagée par Valérie Pécresse qui pense aussi « redonner aux maires le pouvoir de redessiner leurs villes” en leur redonnant par exemple la main sur le logement social en leur permettant d’attribuer 60% des logements sociaux de leur commune. Le candidat du parti Debout La France est, lui aussi, d’avis à renforcer le statut des maires et des élus municipaux.

Une meilleure proximité des services publics

Fabien Roussel, le candidat du Parti Communiste Français, souhaite lui aussi réaménager le territoire mais en faveur des services publics de proximité. Il veut notamment permettre aux usagers de trouver des services publics de proximité avec des horaires adaptés aux attentes de chacune et de chacun. L’aménagement du territoire c’est aussi rendre égalitaire les territoires concernant l’accès aux services publics. Certaines zones rurales font face à une désertification de ces services, les trésoreries s’éloignent, les bureaux de poste ferment et les accès aux soins se dégradent. L’enjeu est donc de taille et se fait sentir dans les programmes présidentiels.

La majorité des candidats a réfléchi au problème et propose, de ce fait, des pistes de solutions. La numérisation par le développement de la téléconsultation est envisagée par Marine Le Pen et Emmanuel Macron tout comme la mutualisation des services. Cette dernière option a également été considérée par Jean-Luc Mélenchon et Valérie Pécresse puisqu’ils proposent la création de centres pluridisciplinaires pour offrir un service à moins de trente minutes de chaque Français. Le candidat écologiste, quant à lui, garantit par la loi une offre de service à moins de 15 minutes, qu’il s’agisse d’école, d’espace de santé ou d’administration publique. Pour Anne Hidalgo le levier d’action ne serait pas la loi mais la formation, elle promet de former les agents des intercommunalités et des secrétaires de mairie pour répondre à la demande des services de premier niveau. Elle suggère aussi la création de bus itinérants du service public dans toutes les intercommunalités pour aller au-devant des citoyens qui en ont le plus besoin. Nicolas Dupont-Aignan et Jean-Luc Mélenchon la rejoignent d’ailleurs sur cette idée, pour toucher un public plus âgé et éloigné du numérique.

Pour une continuité territoriale entre les régions d’Outre-mer et la France Métropilitaine

Alors même qu’ils représentent 18% de la surface terrestre de la France, et que près de 2,8 millions de nos compatriotes y vivent, ces territoires sont souvent perçus comme des îles bien éloignées de nos préoccupations. Pour pallier ce manque de considération dans les politiques publiques et notamment territoriales, les candidats ont misé sur la continuité territoriale. Principe de service public, il se donne pour objectif de renforcer la cohésion entre les différents territoires de la France. 

A cet effet, Marine Le Pen envisage de créer un grand ministère d’Etat de la mer et de l’Outre-mer pour restaurer la souveraineté de la France sur son espace maritime mais aussi pour réformer la fiscalité dans le but de baisser le coût de la vie et d’attirer les investissements. Le problème de la vie chère est une réelle fracture entre la France métropolitaine et les régions ultramarines. Les prix élevés, le taux de chômage et les revenus faibles créent une hausse de la pauvreté que beaucoup d’habitants de ces territoires ont du mal à suivre. Pour y répondre, Nicolas Dupont-Aignan prévoit de favoriser la concurrence dans la distribution. Aujourd’hui, le quasi monopole de certaines marques cause la flambée des prix, qu’il s’agisse de biens ou de services.

Le prix des billets d’avion, et plus largement le coût du transport entre l’Outre-mer et l’Hexagone, sont également très importants et se présentent comme un frein pour la mobilité entre les deux territoires. A ce sujet, Valérie Pécresse compte baisser le prix des avions mais aussi faciliter le retour des fonctionnaires “au pays”. 

Améliorer les conditions de vie dans les régions ultramarines est donc l’une des principales ambitions des candidats sur ce sujet. Mais outre l’aspect fiscal et pouvoir d’achat, l’amélioration de ces conditions passe également par la dépollution, la mise en place de plans d’alimentation durable, un assainissement efficace garantissant l’eau potable et surtout un domaine de santé fiable. Ces leviers d’action sont ceux des candidats Jean Lassalle et Yannick Jadot qui pensent, aussi, respectivement développer le secteur des énergies renouvelables de ces territoires, et adapter les actions publiques de l’État dans les régions ultramarines face à leurs caractéristiques et contraintes par la création d’une loi annuelle d’actualisation du droit d’outre-mer. 

Si Anne Hidalgo souhaite l’autonomie énergétique des Outre-mer grâce à un grand plan de développement des énergies renouvelables, Fabien Roussel, lui, leur souhaite plus d’autonomie dans leur administration et gestion. Une décentralisation de ces régions pour leur donner la possibilité de nouer des relations de codéveloppement avec les pays de leurs zones géographiques, afin de répondre à leurs besoins mais sans remettre en cause les intérêts stratégiques de la France. Une mesure qui s’oppose formellement aux idées d’Éric Zemmour qui prévoit de mettre définitivement fin aux référendums d’indépendance des régions ultramarines, alors que la Nouvelle-Calédonie a entrepris son troisième référendum en décembre dernier. Si son résultat a été quasi unanime pour ne pas être une nation indépendante, la question de l’autonomie de la Corse fait actuellement débat.

Pour ou contre l’autonomie de l’île de la beauté ?

A la différence de la Nouvelle-Calédonie, la Corse ne réclame pas son indépendance mais son autonomie. Le peuple corse a voté pour un maintien de la région au sein de la République, et non pas pour la création d’un nouvel État souverain. A l’instar de ce qui se fait dans la majeure partie des îles en Europe, la Corse, si elle devient autonome, pourra adopter ses propres lois. Mais cet avenir dépend aussi, et surtout, du résultat des prochaines élections présidentielles puisque chaque candidat à son avis bien tranché sur la question. Pour certains, comme Éric Zemmour et Philippe Poutou, il s’agit surtout d’une crise identitaire, ils se positionnent donc comme favorable à un statut et une fierté corse mais rien de plus. Emmanuel Macron promet engager une discussion sur le sujet après son élection, tandis que Nicolas Dupont-Aignan, Marine Le Pen et Fabien Roussel se refusent à accepter l’autonomie de la Corse. Il faut, selon eux, ne pas céder au chantage et maintenir l’unité et l’intégrité de la France. Ce qui n’est pas de l’avis des candidats de gauche Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Nathalie Arthaud, qui déclarent vouloir accorder l’autonomie législative ou de plein droit à la Corse. 

Finalement, c’est sur ce dernier point que le clivage gauche-droite se ressent le plus. Il semblerait que d’un aspect général les candidats s’alignent en faveur de politiques plus valorisantes pour l’échelle départementale qui était amenée à disparaître. Donner davantage d’autonomie dans les décisions administratives, mais aussi plus de soutien financier aux collectivités territoriales paraît être le mot d’ordre. Tout comme l’accès aux services publics qui a été identifié comme trop insuffisant et qui a besoin de nouvelles politiques de soutien.